Définition

On appelle « vers figurés » (du latin carmina figurata, qu’on peut traduire aussi par « poèmes visuels ») des poèmes dont les mots esquissent une forme. Apollinaire, au XXe siècle, a donné à ce genre le nom de « calligramme », mais si la dénomination est nouvelle, le genre ne l’est pas. Il s'agit d’allier la lettre et le dessin, de donner au texte la forme même de ce dont on parle, de rendre le texte « iconique ».

Histoire

Le calligramme s’inscrit dans une longue tradition. Les jeux de lettres existent depuis l’Antiquité. Simmias de Rhodes (IIIe siècle avant J.-C.) est souvent désigné comme le premier auteur de vers figurés : il a composé un poème intitulé L’Œuf qui dessine l’image d’un œuf, et, sur le même modèle, Les Ailes ou La Hache. Mais, les carmina figurata sont surtout pratiqués au Moyen-Âge. Beaucoup d’érudits se passionnent pour ces compositions visuelles qu’ils dotent de pouvoirs magiques (Venance Fortunat, évêque de Poitiers, Théodulf, évêque d’Orléans, Raban Maur, moine bénédictin).

Rabelais est connu pour sa « Dive bouteille » dans le cinquième livre du Pantagruel (1562) et Hugo pour « Les Djinns » (Les Orientales, 1829), véritable prouesse technique qui permet d’imiter, par la forme du poème, le passage des démons.
Ce qu’on appelle plutôt dans la littérature moderne « poésie visuelle », voire poésie « concrète », trouve un regain d’intérêt au XXe siècle, après les nombreuses créations d’Apollinaire (Calligrammes, Poèmes à Lou), notamment chez Michel Leiris, poète passionné de jeux grammatiques, auteur notamment du Glossaire, contenant des poèmes visuels rebaptisées « Gloses illustrées » et du recueil intitulé Biffures.

Enjeux

Du point de vue sémiologique, les vers figurés constituent une entité hybride qui associent le texte et l’image, le « lisible » et le « visible ». Michel Foucault a écrit : « Ainsi dans un calligramme, les vieilles dichotomies “montrer et nommer” ; “figurer et dire” ; “imiter et signifier” ; “regarder et lire” s’effacent et laissent place à un ordre nouveau où visibilité et lisibilité sont indiscernables » (Ceci n’est pas une pipe, 1968).

D’un point de vue plus général, ces pratiques font partie des moyens proprement poétiques de lutte contre l’arbitraire du signe, inversant l’évolution générale de l’écriture vers l’abstraction.