Au XVIIIe siècle, la vie des femmes est placée sous le poids du patriarcat, mais certains personnages féminins semblent montrer une évolution face à la destinée tragique que la religion, la politique et le discours médical imposent à la femme. L’éducation féminine est avant tout religieuse pour la bourgeoisie et la noblesse, et se fait notamment au cours d'une adolescence passée au couvent, comme l’incarne le personnage de Suzanne Simonin, dans La Religieuse (1780), roman censuré de Diderot, qui décrit le poids de la religion qui pèse sur les pensionnaires dans les couvents les menant parfois jusqu'au suicide. Ainsi, l'héroïne de Diderot est contrainte de devenir religieuse sur ordre de sa famille, et tente par tous les moyens de sortir de cette prison. La charge anticléricale est extrême.

Cependant, certains personnages montrent un autre mode d’être au monde, une certaine rébellion, plus ou moins caché. D’abord, elle apparaît incarnée par des personnages étrangers, exotiques, pour éviter la censure : les Persanes Zachi, Zélis et Roxane se libèrent plus ou moins de l’autorité du sultan Usbek, dans Les Lettres Persanes de Montesquieu. De même, Zilia, jeune Indienne que les Espagnols ont enlevée, est rachetée par un officier français et amenée à la cour de Louis XV, dans Les Lettres d’une Péruvienne de Françoise de Graffigny (1747) ; elle choisit le célibat pour « le plaisir d’être » et l’indépendance. Ces deux hétérotopies (monde fictionnel étranger) permettent de tendre un miroir d’une possible évolution aux femmes.

D'autres fictions se déroulant en France permettent d'actualiser cette libération de la femme : on pense bien sûr au personnage de Mme de Merteuil dans les Liaisons dangereuses de Laclos (1782), laquelle, bien que libertine despotique vis-à-vis des autres, montre qu’elle a dû survivre dans un monde d’hommes en feignant la naïveté et la soumission à ces derniers (lettre 81). Socialement, une héroïne comme Marianne, dans La Vie de Marianne de Marivaux, montre, sur le modèle du roman picaresque, l’évolution sociale d’une femme (1731-1742), qui, d’orpheline de condition humble deviendra comtesse. Marivaux s’inspire alors de Heurs et malheurs de la fameuse Moll Flanders (1722) de l’anglais Defoe, retraçant la vie rocambolesque de cette jeune femme orpheline, née en prison, qui finira par devenir prospère.

Enfin, c’est bien le statut même de femme-objet qu’interroge, entre autres, L'abbé Prévost, dans L'Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut (1731) : Manon Lescaut, fille du peuple, séduit par ses charmes le jeune chevalier, aussi jeune qu’elle, puisqu’ils sont tous deux âgés de seize ans. Elle l’éloigne de sa famille, ils vivent à Paris, elle vendant ses charmes, lui jouant. Mais la famille de ce dernier les retrouve : la jeune fille finit condamnée à l'exil en Amérique, il la suit, et elle y meurt tragiquement. La femme-objet, prototype de Mme de Merteuil, ne peut, faute d’être noble, sortir de sa condition sans charmer les hommes. Il faut attendre la fin du siècle avec Olympe de Gouges, qui sera condamnée à être guillotinée, et sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791) pour voir s’affermir l’idée qu’une femme puisse vivre la même vie qu’un homme, mais à quel prix.