Le Sud économique, défini en opposition au Nord par la ligne Nord-Sud du rapport pour l’ONU de l’ex-chancelier allemand Willy Brandt en 1980, renvoie à ce que le démographe et économiste français Alfred Sauvy avait appelé le tiers-monde, en opposition au premier monde (capitaliste) et au deuxième monde (communiste), par métaphore avec le Tiers-États de l’Ancien régime. Ces États, très peuplés, mais moins puissants, sont en train de prendre leur revanche et connaissent des dynamiques de plus en plus éclatées.
Si le Sud a remplacé le Tiers-Monde et les pays « sous-développés » (terme très négatif, employé par exemple par le spécialiste de géographie politique Yves Lacoste dans les années 1950), le taux de croissance des pays du Sud est largement supérieur en moyenne à ceux des Nords, sauf exceptions (guerres, guerres civiles). Corollaire : l’écart de développement entre Nords et Sud se réduit, et la pertinence de la ligne Nord-Sud s’efface. Certains des Suds (Qatar, Émirats Arabes Unis) sont mêmes devenus bien plus riches que la plupart des Nords.
En outre, le pluriel permet de souligner les différences entre les Suds. Plusieurs groupes peuvent être identifiés. Les plus riches et développés sont globalement les États pétroliers (et gaziers) du Golfe arabo-persique ; leur richesse dépasse celle de la plupart des États du Nord, mais leur développement n’est pas encore durable car fondé sur une ressource non renouvelable, en dépit de tentatives de diversification dans les médias (Al-Jazeera au Qatar), les transports (Qatar Airways, Emirates), le tourisme, l’activité portuaire (port de Dubaï). Santé et éducation restent en retrait par rapport à certains Nords, pénalisant le développement.
Viennent ensuite les grands émergents, à commencer par les BRICS (hors Russie, pays du Nord). Vastes de plus d’un million de km² (Afrique du Sud) ou de plusieurs millions de km², peuplés en général (sauf l’Afrique du Sud) de plus de 100 millions d’habitants, ils constituent des pôles économiques montants. C’est en ce sens que l’économiste de la banque d’affaires états-unienne Goldman Sachs Jim O’Neil avait proposé l’acronyme de BRIC, élargi 10 ans plus tard à l’Afrique du Sud (South Africa en anglais, d’où le S de BRICS). Les next 11 (« 11 prochains »), et autres jaguars, tigres et lions (respectivement les grandes économistes latino-américaines, sud-est-asiatiques et africaines) suivent : Mexique, Argentine, Chili, Colombie, Vietnam, Indonésie, Malaisie, Thaïlande, Égypte, Nigeria, Maroc, mais aussi au Moyen-Orient Turquie et Iran, etc.
Les autres pays en voie de développements pèsent en général moins, car ils sont plus petits et moins peuplés : Uruguay (pourtant l’un des pays les plus stables et les plus riches d’Amérique latine), Mongolie, etc. Ferment la marche la petite cinquantaine (soit près de 25 % des États du monde) de Pays les Moins Avancés. La liste de l’ONU en place les deux tiers en Afrique subsaharienne et l’essentiel des autres en Asie centrale, en Océanie et en Asie du Sud et du Sud-Est ; sauf en Océanie, la plupart d’entre eux sont enclavés, ce qui renchérit leurs coûts d’importation (baisse du pouvoir d’achat) et d’exportation (baisse de la compétitivité), et handicape donc leur développement, alimentant un cercle vicieux avec corruption et parfois guerres civiles. À l’inverse, Haïti est le seul PMA d’Amérique et l’Europe, entièrement au Nord, n’en comprend aucun.