Le rapport de l’ancien chancelier allemand Willy Brandt, produit pour l’ONU en 1980, a posé, par sa couverture, l’opposition entre un Nord de la planète plutôt développé, et un Sud plus pauvre. Mais l’expression de Nord est de plus en plus discutée en raison des hétérogénéités croissantes en leur sein.
Le Nord est tout d’abord une exagération dans le sens où la ligne Nord-Sud devait faire un crochet pour comprendre Australie et Nouvelle-Zélande, développées, mais situées dans l’hémisphère sud. Surtout, le point commun entre l’économie capitaliste des États-Unis et celle planifiée de l’URSS était discutable, et ces hétérogénéités n’ont pas été gommées. Au-delà de l’opposition entre ces deux mondes, les chercheurs ont commencé d’employer le pluriel en parlant des Nords, pour insister sur leur hétérogénéité.
Le premier pôle comprend des États anciennement puissants et développés, et constitue ce que le Japonais Kenichi Ohmae a appelé la Triade : les États-Unis (ou l’Amérique du Nord, avec le Canada), l’Europe (de l’ouest, ou l’UE) et le Japon ; Australie et Nouvelle-Zélande pèsent moins et sont plus éloignés des pôles de richesses et flux mondiaux, mais relèvent de ce même modèle libéral. S’y ajoutent les Dragons ou Nouveaux Pays Industrialisés d’Asie : la Corée du Sud, Taïwan, Hong-Kong et Singapour ; leur essor, porté par l’industrie, est plus récent et repose sur les délocalisations du Japon à partir des années 1960. Enfin, les anciens pays du bloc communiste sont nettement plus pauvres et corrompus, même si leur niveau d’éducation et de santé permet de les considérer comme développés, en dépit d’un recul depuis la chute de l’URSS.
Cette hiérarchie évolue. Non seulement les Nords sont rattrapés par des Suds en plus forte croissance qu’eux-mêmes, mais en outre la hiérarchie évolue au sein-même des Nords. En 1945, le Japon et l'Allemagne, détruits par les bombardements, semblaient promis au déclin ; toutefois, 40 ans plus tard, ils occupaient respectivement les 2e et 3e rangs mondiaux. Les NPIA étaient, eux, très pauvres également à la fin des années 1940. À l’inverse, le poids global et relatif de grandes puissances traditionnelles comme la France et le Royaume-Uni a reculé. Les États-Unis conservent, et de loin, la première place mondiale en termes de PIB nominal (avec près de 25 000 milliards de dollars) qu’ils occupent depuis au moins le début du XXe siècle. Néanmoins, en parité de pouvoir d’achat, la Chine les a déjà dépassés et elle devrait redevenir, au cours du XXIe siècle, la première puissance mondiale qu’elle a été sans doute pendant l’essentiel de l’Antiquité, du Moyen Âge et de l’époque moderne, jusqu’au XIXe siècle.