Étalement urbain, périurbanisation et polycentrisme

L’étalement urbain est le fait que les fonctions urbaines (habitat, commerces, industries) prennent de plus en plus d’espace. L’augmentation de la surface de l’aire urbaine est souvent supérieure à l’augmentation de sa population, donc la densité générale a tendance à baisser. Le phénomène concerne toutes les aires urbaines, selon des modalités différentes.

Dans les pays développés, la population augmente très lentement, mais la surface des aires urbaines augmente régulièrement

• C’est dans les villes américaines que l’étalement est le plus important, du fait de l’importance du transport automobile et de l’habitat individuel. L’aire urbaine d’Atlanta (2,5 Mhab) est aussi étendue que celle de Paris (12 Mhab)
• L’étalement est important en Europe : de 1980 à 2010, l’aire urbaine de Toulouse a été multipliée par 3
• En Asie orientale, surtout au Japon, en Corée ou à Hong-Kong, cet étalement est moins sensible du fait de l’importance des transports en commun et de la verticalisation plus importante des villes
• Cependant, l’étalement de Beijing est impressionnant : les autorités chinoises ont mis en service un 7ème périphérique, d’une longueur totale de près de 1000 km

Les causes et les acteurs de ce phénomène sont multiples

• Le manque d’espace et le prix du foncier ou de l’immobilier dans le centre et les proches banlieues poussent les habitants et les activités à chercher logements, terrains ou bureaux toujours plus loin
• Le développement d’emplois dans ces espaces périurbains (centres commerciaux, aéroports, zones industrielles) incitent certains habitants à s’en approcher
• L’existence de modes de transports rapides permet à ceux qui conservent leur emploi dans le centre d’y accéder facilement
• Les autorités politiques peuvent jouer un rôle important, en décidant l’aménagement de villes nouvelles en périphérie : France, Égypte, Inde, Venezuela, ex-URSS

L’étalement urbain fait naître en périphérie de nouveaux pôles d’activités économiques

• Les aéroports internationaux sont de plus en plus éloignés du centre, du fait des besoins en espace mais aussi des nuisances engendrées. Mais ils créent de nombreux emplois, ce qui fait que des zones résidentielles naissent aux alentours
• Certaines industries se délocalisent dans l’espace périurbain 
• Les centres commerciaux et malls à l’américaine créent eux aussi de nombreux emplois
• Les campus périphériques (besoin d’espace) se multiplient et donnent naissance à des technopôles, concentration d’établissements d’enseignement supérieur, de recherche (publics et privés), d’industries de haute technologie : Silicon Valley autour de l’université de Stanford, Toulouse, Route 129…

Les nouveaux centres de la périphérie

• Les villes nouvelles sont des opérations d’aménagement mises en place par les autorités politiques et administratives, l’aménagement est planifié et le zonage est rigoureux : les espaces résidentiels, industriels, commerciaux, et les services publics et les réseaux de transport sont définis à l’avance
• Les villes nouvelles se sont d’abord développées juste après la Seconde Guerre mondiale autour de Londres afin de freiner la périurbanisation intense et ainsi de créer de nouveaux centres au-delà d’une ceinture verte préservée. Également en URSS pour répondre aux besoins d’une population urbaine en pleine augmentation
• En France, durant les années 1960, un schéma directeur d’aménagement prévoit la construction de 5 villes nouvelles autour de Paris et de 4 en province. En Île-de-France, ces villes nouvelles sont reliées au centre de Paris par le nouveau réseau express régional (RER) mais constituent d’importants pôles d’emplois
• Dans les pays en voie de développement, les autorités ont également planifié la construction de villes nouvelles pour faire face à l’afflux de populations d’origine rurale dans les métropoles : New Delhi et Chandigarh en Inde, 19 villes nouvelles autour du Caire, Tanamasoandro au Nord-Est d’Antananarivo (Madagascar)
• Les edge cities sont des concentrations non planifiées d’emplois industriels et surtout tertiaires qui donnent naissances à de nouveaux centres en périphérie de l’aire urbaine. Les edge cities se développent principalement à proximité des infrastructures de transports : nœuds autouroutiers, pôles multimodaux (train/route)

De ce fait, les aires urbaines deviennent de plus en plus polycentriques, s’approchant du modèle de Harris et Ullmann.

• Les villes nouvelles deviennent de nouveau pôles structurants
• Les edge cities également
• Les anciennes villes désormais incluses dans l’aire urbaine gardent une fonction centrale importante (Versailles, Pontoise, Saint-Germain-en-Laye), parfois en concurrence avec les villes nouvelles

Les différents modèles dits « de l’école de Chicago »

L’allongement des distances entre la résidence et le travail, ainsi que le coût de ces transports, peut entrainer des phénomènes de relégation

• Les populations les moins aisées des villes des pays développés se retrouvent parfois dans les espaces périurbains les plus lointains en raison des prix immobiliers plus favorables. Mais l’absence de transports en commun et l’obligation d’utilisation la voiture individuelle peuvent donner naissance à des mouvements du type « gilets jaunes » en France
• Dans les villes des pays en voie de développement, des bidonvilles se développent en grande périphérie : les populations les plus fragiles et nouvellement arrivées ne pouvant avoir accès au centre
• Parfois, afflux de populations en détresse (déplacés autour de Khartoum, populations d’éleveurs à Nouackchott ou Oulan-Bator à la suite d’une crise climatique) : certaines périphéries se transforment en immenses camps de réfugiés, peuplés de tentes, de yourtes, de cabanes de fortune

Les problèmes écologiques sont également importants

• Artificialisation et impermabilisation des sols qui engendrent d’importants phénomènes d’érosion, d’importantes inondations
• Mitage de l’espace rural du fait de la construction de lotissements, de zones d’activité ou d’espaces de loisirs, d’où des difficultés pour les agriculteurs locaux

Enfin, l’étalement pose le problème de la gouvernance de la ville

• Plus l’aire urbaine s’étend, plus le nombre de municipalités ou de divisions administratives concernées augmente : l’aire urbaine parisienne dépasse désormais le territoire de l’Île-de-France (8 départements) et déborde sur le département de l’Oise (Hauts-de-France), le super-périphérique de Beijing se trouve essentiellement dans la province du Hebei, l’aéroport de Narita et Tōkyō-Disneyland sont dans la préfecture de Chiba
• Mise en place de nouvelles organisations politiques liées aux aires urbaines en France ou aux Etats-Unis. D’où des projets tels que celui du Grand Paris
• Mais difficultés pour ces nouvelles divisions administratives à s’affirmer, notamment en France où les dirigeants des communautés de communes ne sont pas directement élus par les habitants