La réflexion de Kant est critique: elle utilise la raison afin d'établir les limites de la connaissance possible, de connaître l'ignorance de la raison: la raison ne peut fonder sa légitimité qu'en se critiquant elle-même. Les limites de la raison ne sont pas de simples bornes – des limites provisoires et relatives à tel ou tel sujet – mais sont des limites définitives et universelles: elle tiennent à notre condition.
Une connaissance n'est possible selon Kant qu'à deux conditions :
- un contenu soit donné dans l'expérience, par la sensation ; il n'y a pas pour Kant d'intuition intellectuelle, et un contenu de connaissance ne peut être donné que dans l'intuition sensible ;
- une forme soit donnée par l'entendement, qui relie entre elles les sensations afin de les constituer en séries.
Nous n'avons donc pas accès aux choses en soi, mais seulement aux choses telles qu'elles nous apparaissent (les phénomènes) à travers les formes a priori de la sensibilité (espace et temps) et les catégories de l'entendement.
La raison est une faculté des principes qui porte sur l'inconditionné : sur ce qui pourrait être connu en dehors de toute expérience possible, comme l'âme, le monde ou Dieu. Mais, pour Kant, on ne peut connaître de telles réalités : on ne peut que les penser.
L'élan de la raison vers l'inconditionné est légitime s'il ne prétend pas se constituer en une science objective. Elle peut penser certaines idées (et non concepts, qui sont le propre de l'entendement) comme régulatrices : ce sont des horizons qui guident et motivent la recherche, sans pour autant être considérées comme des vérités établies scientifiquement. Par exemple, l'unité du monde est un présupposé que la raison peut penser, mais qu'on ne peut prouver à partir de l'expérience ; ce présupposé a toutefois une valeur heuristique, en ce qu'elle pousse à unifier les différentes sciences.
Enfin, si la raison théorique ne peut espérer connaître, mais doit se contenter de penser ce qui est possible, la raison a une valeur pratique : elle définit les principes régulateurs qui doivent guider l'action morale.