Dans « Autonomie et vulnérabilité », Ricœur réélabore, à l’occasion d’une réflexion sur le sujet de droit, la notion d’autonomie.

Le sujet de droit est une présupposition de l’investigation juridique (le jugement porte sur un individu en droit responsable), mais c'est aussi une tâche, l’horizon de la pratique juridique (qui doit rendre plus responsables les individus). Pour Ricœur, ce paradoxe tient au double statut de l’autonomie :

  • qui est une condition de possibilité de la responsabilité ;
  • qui est une tâche : il faut devenir autonome.

De même chez Kant, l’autonomie apparaît :

  • comme principe des actions morales (Critique de la raison pratique) ;
  • comme accomplissement de l’éducation à l’esprit critique : les Lumières visent à sortir de l’état de minorité et à disposer de son propre jugement (Qu’est-ce que les lumières ?).

Ricœur développe la dialectique de l’autonomie et de la vulnérabilité. D’un côté, l’autonomie peut être comprise comme :

  • capacité ou puissance d’agir ;
  • capacité d’affirmer son identité, comme ipséité : capacité à dire « je » dans le cours du temps – comme à tenir une promesse – et qui repose sur la capacité à envisager sa vie comme une histoire cohérente. En ce sens : « est autonome un sujet capable de conduire sa vie en accord avec l’idée de cohérence narrative » ;
  • capacité d’affirmer sa singularité, son caractère « insubstituable » : chaque personne a une perspective qui ne peut être remplacée par une autre, mais s’en distingue dans la confrontation.

Ces pouvoir-faire impliquent l’idée d’imputabilité, la capacité d’être tenu pour responsable de ses actes en étant leur véritable auteur.

Ricœur souligne que la capacité ou la puissance n’est pas démontrée (par un jugement de connaissance), mais attestée : elle a donc besoin d’être reconnue. Deuxième propriété de la capacité : croire que je peux, c’est déjà être capable, car « la confiance que je mets dans ma puissance d’agir fait partie de cette puissance même ». La reconnaissance d’autrui est essentielle dans le développement de l’autonomie, car la puissance ne peut pas exister sans son affirmation.