Une des manières de penser les rapports du langage et de la réalité est de penser le langage comme image ou représentation de la réalité, comme le propose Wittgenstein dans le Tractatus logico-philosophicus (1921) :

La proposition est une image de la réalité. La proposition est un modèle de la réalité, telle que nous la figurons. (prop. 4. 01)

Le Tractatus trace une limite à l'expression des pensées : ne sont pourvues de sens que les propositions dont la structure logique représente la réalité.

Le monde désigne la « totalité des faits », tout ce qui a lieu. Le fait est ce qui arrive, alors qu'un « état de choses » – une combinaison d'objets simples – est ce qui peut arriver. Ce qui implique :

  1. qu'une proposition vraie représente un fait, un état de chose réalisé, alors qu'une proposition fausse ne vise qu'un état de chose non réalisé ;
  2. que la négation ne renvoie à rien de positif dans le monde, mais n'est qu'un artifice logique ;
  3. qu'une proposition montre sa structure et son sens, mais ne le dit pas, puisque dire quelque chose suppose cette structure ; en revanche, « elle dit qu'il en est ainsi »: elle se prononce sur la vérité d'une combinaison d'objets ;
  4. comprendre une proposition signifie comprendre à quel état de chose elle renvoie. Vérifier une proposition signifie la comparer au fait.

Selon Wittgenstein, il y a des propositions :

  • vraies et sensées, ce sont celles qui parlent du monde (propositions de la science de la nature) ;
  • vraies mais vides de sens : ce sont celles qui révèlent la structure logique des propositions et donc « l'échafaudage du monde » : les tautologies (A est A) et les contradictions ;
  • dénuées de sens ou insensées : ce sont les propositions de la philosophie comme métaphysique ou de l'éthique, qui ne décrivent pas d'état de choses, mais cherchent à dire ce que sont les choses.

Pour Wittgenstein, il y a de l'ineffable, mais on ne peut le dire : il est tout ce qui échappe à la structure logique du langage : le Mystique concerne le fait que le monde soit (plutôt que comment il est).

Il n'est donc pas possible de sortir du langage pour parler du monde : « les frontières de mon langage sont les frontières de mon monde ». L'existence des objets simples, qui forment la subsistance du monde, n'est pas dérivée d'une expérience extra-linguistique, mais est une condition du sens des propositions.

À partir des Recherches logiques, Wittgenstein abandonnera ce positivisme qui n'accorde qu'aux propositions des sciences le fait d'être sensées : il comprendra le sens non d'après la structure logique du langage, mais d'après son usage.