Dans Le Sophiste, la prise en compte de la rhétorique engage Platon à repenser les rapports entre langage et réalité.
La rhétorique est :
« un art spécial, grâce auquel il est précisément possible, cette fois par le canal des oreilles, d’ensorceler au moyen de discours l’esprit de la jeunesse et celui des gens qui sont encore éloignés de la vérité des choses [...] et cela en montrant, à propos de toutes choses, des simulacres parlés, de manière à faire croire à la vérité de ce qui est dit, et par suite à l’existence, chez celui qui l’a dit, d’un savoir absolument universel et supérieur à celui d’absolument tous les hommes ».
La rhétorique est donc un art qui :
- vise l'opinion et la sensibilité du spectateur ;
- ne dit pas la vérité sur ce qui est, car elle ne possède pas le savoir de la réalité dont elle parle ;
- mais cherche à se faire passer pour vraie, à donner l'illusion d'être vraie et savante, comme l'art du peintre.
Dans Le Sophiste, Platon s'appesantit sur la deuxième caractéristique : comment est-il possible de dire quelque chose de faux, de parler de ce qui n'est pas ?
Il ne semble en effet pas possible de dire ou de penser le non-être : dire « quelque chose », c'est dire quelque chose qui a une existence. C'est la thèse de Parménide : l'être est et le non-être n'est pas. Les propositions doivent correspondre à quelque chose qui a une existence hors du discours.
Platon va réfuter cette thèse :
- Il faut distinguer le non-être absolu (ce qui n'existe absolument pas) et le non-être relatif (ce qui est différent de l'être, mais en participe) ;
- Il faut distinguer deux sens du mot être : le sens existentiel (une chose est, au sens où elle existe) et le sens copulatif (une chose est quelque chose) ;
- Il faut concevoir le réel comme une pluralité de réalités reliées de manière non arbitraire : certaines réalités communiquent entre elles, d'autres non :
« elles opèrent comme des lettres. Car, parmi celles-ci, il y en a quelques-unes qui ne s’harmonisent pas entre elles et il y en a d’autres qui s’harmonisent entre elles ».
Ainsi, Théétète n'est pas seulement Théétète : il est aussi un homme, un animal, un Grec... Le jugement faux est celui qui parle de quelque chose (le référent, qui existe et dont on a une idée précise), mais qui lui attribue une réalité qui ne lui correspond pas. Il faut donc distinguer le référent du langage (le langage faux a un référent réel : Théétète qui est assis) et ce dont on dit de ce référent : une « infinité d’autres attributs » (Théétète vole).