Selon Aristote, dans l’Éthique à Nicomaque, le bonheur est l’objet et la fin des sciences éthiques et politiques. Il est souverain bien, la « fin finale », la fin qui n’est recherchée pour rien d’autre que pour elle-même et en vue de laquelle on choisit les autres fins (1096 a 34). Il fait que nous nous suffisons à nous-mêmes (« autarciques ») puisque, si on le possède, nous sommes délivrés de tout autre besoin et puisque le bonheur ne saurait tolérer aucune addition supplémentaire (1097 b 14-19).

Le bien désigne le fait, pour un être, de réaliser son acte propre, une œuvre conforme à sa nature. C’est l’excellence de la partie essentielle de l’homme, c’est-à-dire de l’âme, excellence qu'on appelle vertu. Le bonheur a comme condition nécessaire la vertu.

Cependant, la vertu est une condition nécessaire, mais non suffisante du bonheur. Aristote prend l’exemple de l’homme vertueux qui est ballotté par les vicissitudes de la vie et qui n’est pas heureux. Si le bonheur est gage d’indépendance, il suppose néanmoins certaines conditions :

  • certains biens du corps ;
  • certains bien extérieurs : richesse, réputation ;
  • le fait de disposer d'amis qui, s'ils sont vertueux, contribuent à notre bonheur.

Cela signifie que le bonheur n’est pas tout à fait en notre pouvoir et qu’on ne peut vouloir être heureux :

« être heureux, nous le souhaitons, mais dire que nous nous y décidons, cela ne se fait pas, car la décision a toujours l’air d’avoir toujours pour objet les choses qui sont en notre pouvoir. »

Tout ce que peut faire le sage est d’essayer de tirer le meilleur des circonstances actuelles.

Enfin, le plaisir n'entre pas dans la définition du bonheur : il désigne le sentiment qui s’ajoute, de surcroît, à une activité qui n’est pas entravée et qui est parfaite. Le plaisir n’est donc ni bon ni mauvais en soi, sa valeur morale dépend de la valeur morale des activités auxquelles il s’ajoute. Il est à la fois ce qui résulte d’une activité et ce qui la renforce : plus le musicien joue de la musique, plus il en éprouve du plaisir, plus il progresse dans l’apprentissage de la musique (1174 a 29). Pour Aristote, l’activité la plus parfaite est la contemplation et le plaisir le plus élevé est celui du philosophe qui contemple. Il y a donc une ambivalence dans l’Éthique à Nicomaque : le bonheur trouve-t-il sa plus parfaite expression dans l’action ou dans la contemplation ?