« Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les jugements relatifs aux choses », écrit Épictète.
La passion est une opinion, un jugement faux porté sur les choses. Elle surgit quand l’archer oublie son harmonie intérieure pour se concentrer sur la cible et sur les biens extérieurs. Or, les biens extérieurs ne dépendent pas de nous. Ils peuvent venir à manquer. Le désir comme passion est concentré sur le futur. Il vient de l’attachement aux choses extérieures.
La passion est une contradiction intérieure : elle voit le meilleur, et même le désire, mais fait le contraire, car elle le désire aussi. Les stoïciens disent souvent que le voleur ne veut pas ce qu’il fait. Parce qu’elle consiste en une mauvaise opinion, la passion est intérieure à la raison. L’âme n’est pas morcelée en une partie rationnelle et une partie irrationnelle, comme chez Platon et Aristote : l’âme est une, constituée par une seule raison, mais qui, selon les assentiments qu’elle donne, peut ou bien devenir rationnelle ou bien irrationnelle. La passion n’est que la raison retournée contre elle-même. Ce qui signifie aussi, qu’une fois la passion installée, il devient presque impossible de l’extirper, car la raison a rendu les armes.
Pour l’homme qui n’est pas encore dominé par ses passions, les stoïciens ont mis en place des exercices spirituels qui permettent de s'acheminer vers la vertu, en faisant un bon usage de nos représentations. Cela consiste à :
- opposer une représentation contraire à une représentation trop pressante ;
- l’insérer dans un temps allongé pour en diminuer l’intensité ;
- anticiper des malheurs en y pensant par avance ;
- mettre en évidence les erreurs et contradictions dans les opinions ;
- objectiver les représentations, en les dépouillant des jugements de valeur qui nous y attachent.
Le sage n’est cependant ni inactif, ni « impassible comme une statue ». Le but de la sagesse est de s’engager dans l’action :
« Il est difficile d’unir et de joindre à l’attention de l’homme qui s’attache aux choses le calme de celui qui y reste indifférent. » (Épictète)
Pour cela, le désir doit suivre le flux des événements :
- en se préparant, par une clause de réserve, à un événement contraire : j’irai à Lesbos sauf si une tempête détruit mon bateau (= sauf si Dieu ne le veut pas) ;
- en retournant son désir, par un renversement, vers ce qui est présent : si une tempête se lève, alors le sage doit la désirer et en être content.
Ces procédés rendent possible une vraie joie, affect positif de la sagesse.