La philosophie de Platon se caractérise par une exigence de connaissance exacte, universelle et stable. Cette exigence implique que la connaissance porte sur des objets déterminés, définissables et également stables.
Face à cette exigence, le sensible apparaît comme insuffisant (Phédon, 74d-75a) dans la mesure où :
- il est relatif, une même chose pouvant être grande par rapport à une chose et petite par rapport à une autre, ou pouvant être perçue différemment par différentes personnes ;
- il est contradictoire, ce qui plonge la pensée dans l’embarras (République, VII, 523) : exemple du bout de bois, plongé dans l’eau, qui apparaît comme courbe et droit en même temps ;
- il est instable : les choses sensibles sont composées et donc soumises au changement.
Platon fait donc l’hypothèse de formes intelligibles, qui ne sont perceptibles que par l’intellect et sont caractérisées par leur unicité (elles sont monoeides, « ce qui n’a qu’une seule forme »), leur exactitude (akribia) et leur stabilité : elles ont toujours le même rapport à elles-mêmes et ne changent pas d’aspect selon celui qui les contemple.
Ce n’est que comparées à ces formes que les réalités sensibles apparaissent comme insuffisantes. Il faut avoir une notion, même confuse, de ces formes intelligibles, pour que le sensible perde sa consistance et invite la pensée à le dépasser :
c’est avant d’avoir commencé à voir, à entendre, à user des autres sens que nécessairement nous nous sommes trouvés à avoir acquis une connaissance de l’Égal qui n’est rien qu’égal, et de ce qu’il est ; nécessairement, si nous devions être à même, ultérieurement, de rapporter à ce terme supérieur les égalités qui nous viennent des sensations ; et pour cette raison que toutes les égalités de cette sorte ont grande envie d’être de l’espèce du terme en question, mais qu’elles ont une moindre valeur. (Phédon, 75a-b)
Platon est conduit à l’hypothèse de la réminiscence : notre âme a connu avant notre incarnation de telles réalités et s’en ressouvient à l'occasion de la sensation.