La raison n'est pas seulement un principe théorique, mais un principe pratique qui vise l'action. La question se pose de savoir si la raison peut, par elle-même, conduire à l'action bonne.

On distingue :

1. Une position rationaliste qui soutient que la raison, par la connaissance qu'elle donne du bon, suffit à motiver l'action bonne.

C'est la thèse de Socrate dans le Protagoras : nul ne peut être méchant volontairement. Connaître ce qui est bon c'est nécessairement vouloir le faire :

Si donc, repris-je, l'agréable est bon, il n'est personne qui, sachant ou pensant savoir que d'autres choses valent mieux que celles qu'il fait, et qu'elles sont en son pouvoir, fasse ensuite celles-ci, alors qu'il lui est loisible de faire celles qui valent mieux. Être plus faible que soi-même, cela non plus n'est rien d'autre qu'ignorer, et pas davantage, être plus fort que soi-même, autre chose que savoir ! 

Comme l'on fait ce que l'on croit être bon, si l'on sait ce qui est bon, alors l'on fera ce qui est bon. Connaître le courage, c'est savoir qu'il est bon et vouloir être courageux. La raison, en tant qu'elle nous apporte la connaissance des vertus, permet de discerner le bon du mauvais et donc de faire le bien.

2. Une position sensualiste qui considère que la raison ne peut en elle-même motiver aucun acte.

C'est la position de Hume dans son Traité de la nature humaine (II, II, III, III : « Sur les motifs qui influencent la volonté »). Pour Hume, la raison consiste à raisonner sur des idées abstraites, ou sur les causes et les effets des choses liées dans l'expérience. Elle porte donc sur l'accord ou le désaccord qui existe entre les idées ; elle n'a pas d'influence sur l'action. À l'inverse, les passions sont des faits originaux qui ont une puissance motrice :

Une passion est une existence originelle ou, si vous voulez, une modification d’une existence et elle ne contient pas de qualité représentative qui en fasse une copie d’une autre existence ou d’une autre modification. Quand j’ai faim, je suis effectivement dominé par la passion et, dans l’émotion, je ne me réfère pas plus à un autre objet que quand j’ai soif, que je suis malade ou que je fais plus de cinq pieds de haut. Il est donc impossible que cette passion soit en opposition ou en contradiction avec la vérité et la raison puisque cette contradiction consiste dans le désaccord des idées, considérées comme des copies, avec les objets qu’elles représentent.

Hume en conclut :

  1. Qu'il n'y a pas de combat entre la raison et les passions, car ne peut s'opposer à une passion qu'une impulsion née d'une autre passion ;
  2. Que la raison est donc l'« esclave des passions » ;
  3. Que la raison peut cependant diriger les passions en les accompagnant d'un jugement sur la réalité des objets qu'elles poursuivent ou sur leurs causes ou leurs effets ;
  4. Que les passions déraisonnables sont celles qui sont accompagnées de jugements erronés, mais qu'en elles-mêmes, les passions ne sont ni déraisonnables ni raisonnables ;
  5. Que la raison est en toute rigueur une « passion calme ». La passion calme n'est pas nécessairement « faible » : si elle est confortée par l'habitude et l'exercice, une passion calme peut modifier un comportement et modérer les passions violentes.