Selon Kant,

l’imagination est la faculté de représenter dans l’intuition un objet en son absence même.

Il distingue :

  1. l’imagination reproductrice, faculté de représentation dérivée, qui renvoie à une intention sensible précédente ;
  2. l’imagination productrice, faculté de représentation « originelle » d’un objet, qui devance l’expérience.

Pour Kant, l’imagination productrice a un rôle décisif : sans elle, il n’y aurait pas de mathématiques, ni de science en général. En effet, l’imagination permet d’établir un lien entre le concept et l’image, et donc de pouvoir appliquer les concepts à l’expérience.

Ce processus, Kant le nomme schématisme. Le schème est une figure mentale qui constitue le principe génétique d’une chose, la forme à partir de laquelle l’esprit engendre, produit une multitude d’images mentales apparentées. Si je suis capable de me représenter une multitude de triangles, c’est que j’ai en moi le schème du triangle, le « plan de montage » mental d’un triangle. Ces schèmes ne sont pas des concepts :

  • ils sont le fruit de l’imagination et relèvent du sensible,
  • mais ils sont le fruit d’une imagination productrice car l’expérience sensible ne fournit pas de schèmes tout faits : on peut y voir des triangles, mais non voir la manière de fabriquer n’importe quel triangle.

Ce niveau d’abstraction du schème montre qu’il s’agit du schéma de production mentale d’images, qu’elles aient déjà été vues ou non. Certes, la matière sur laquelle travaille l’imagination vient de l’expérience, mais elle produit de nouvelles formes.

Dans la Critique de la faculté de juger, Kant repense cette fonction productrice de l’imagination, qui devient proprement créatrice dans le champ esthétique. Alors que, dans le schème, c’est à l’entendement de guider l’imagination, dans le sentiment esthétique, l’imagination joue librement avec l’entendement et c'est l’entendement qui doit essayer de comprendre les formes toujours nouvelles engendrées par l’imagination. Cette imagination produit des idées esthétiques :

Par idée esthétique, j’entends cette représentation de l’imagination qui donne beaucoup à penser, sans pourtant qu’aucune pensée déterminée, c’est-à-dire sans qu’aucun concept, ne puisse lui être approprié et, par conséquent qu’aucun langage ne peut exprimer complètement ni rendre intelligible. (§49)

Le génie est précisément « la faculté des idées esthétiques ». L’imagination, par son libre jeu, fournit des images qui excèdent tout concept de l’entendement.