Les moments où un peuple doit inventer une nouvelle manière de penser la liberté, c’est ce que Hegel appelle l’événement qui est un moment de crise et vient d’un décalage entre le contenu spirituel (l’idée de liberté en vigueur) et les institutions. Ces moments manifestent que l’esprit est en train de travailler, en train d’essayer de réaliser son idée :
« Le développement ne consiste pas en une simple production, inoffensive et sans lutte, comme c’est le cas dans le développement de la vie organique, mais c’est un dur labeur contre soi-même, fait à contrecœur. »
Ces moments sont portés par des grands hommes :
- un être qui incarne un esprit du peuple singulier, emporte l’adhésion de tout un peuple et n’est suivi que parce qu’il symbolise quelque chose de plus vaste que lui ;
- quelqu’un qui a pour tâche de résoudre une crise, d’apporter une idée nouvelle qui vient changer la situation initiale. Il a besoin de la situation historique pour exercer sa liberté ;
- un être mû par une passion fondamentale. Par-là, il poursuit à la fois son intérêt particulier et un projet politique plus vaste, mais n’a pas conscience de participer du progrès de la liberté ; il en a un simple pressentiment (ruse de la raison).
En définitive, l’histoire hégélienne est :
- Non-fataliste : Hegel s’oppose à la notion de destin, à l’idée que les hommes seraient les jouets d’une divinité supérieure, au fatum. Les hommes ont une conscience, une liberté ; mais cette conscience est imparfaite car elle ne peut envisager toutes les conséquences de leur acte.
- Rétrospective : « la chouette de Minerve ne se lève qu’à la tombée de la nuit ». Napoléon ne savait pas qu’il travaillait à la liberté, même s’il voulait inscrire dans le réel une certaine idée de l’État moderne ; seul le philosophe peut, après la bataille, retrouver ce sens. C’est la philosophie de l’histoire qui accomplit le sens de l’histoire.
- Imparfaite : il y a plusieurs états modernes, et ces états peuvent toujours disparaître. La fin de l’histoire signifie simplement que l’idée de liberté a atteint sa vraie définition et s’est réalisée, mais pas que tout obéit à cette idée de liberté. L’histoire a quelque chose de contingent, d’inessentiel. La liberté ne prend pleinement conscience d’elle-même que dans l’esprit absolu, qui n’est plus l’esprit objectif. L’esprit absolu, c’est l’esprit en tant qu’il se reconnaît lui-même complètement dans une extériorité : c’est être chez soi dans l’autre. C’est l’art, la religion, la philosophie.