Chaque moment historique est défini selon Hegel par l’« esprit d’un peuple » : l’unité spirituelle d’une époque (le droit, l’art, les institutions, les mœurs, son histoire particulière). Cet esprit est fini, la liberté y prend une forme fixe, figée pour quelque siècle, qui essaie de s’y maintenir. C'est un pôle de stabilité transitoire car les esprits du peuple sont voués à être dépassés : chaque esprit ne réalise pas complètement l’idée de liberté, n’est pas l’esprit dans son activité infinie.

Cette activité ne se réalise qu’au niveau global, dans « l’esprit du monde », qui n'est pas extérieur aux différents peuples. Chaque peuple exprime un degré de l’esprit du monde, même de manière inachevée. L’esprit du monde est en chaque peuple, de manière immanente et non transcendante, mais de manière inadéquate. Son contenu, c’est le développement de la liberté, de la conscience de soi : chaque esprit du peuple est

« un maillon dans la chaîne formée par la marche de l’esprit du monde, et cet esprit universel ne peut disparaître ». 

La relation entre les esprits du peuple différents est nommée « dialectique ». La dialectique, selon Hegel, repose sur l’aufhebung, qu’on peut traduire par « relève ». Chaque peuple en effet nie le moment précédent, et en même temps en garde quelque chose. Par exemple, les Romains nient un trait de l’esprit grec, l'idée que chaque individu est une partie d’un tout, sans particularité. Ils vont mettre en place le droit romain, droit de la personne singulière. Mais ils conservent des Grecs l’idée de liberté de quelques-uns.

S’opposer, c’est toujours à la fois nier quelque chose et conserver quelque chose :

Hériter c’est à la fois recevoir et entrer en possession de son héritage, et celui-ci est en même temps rabaissé en matériau métamorphosé par l’esprit. L’élément reçu a de cette manière été changé et enrichi, et en même temps conservé.