Comment expliquer l’idée de connexion nécessaire selon Hume ?

La relation causale ne relie pas simplement une idée à une autre, mais plutôt une impression (des sens ou de la mémoire) à une idée : je vois la fumée (impression), j’en déduis la présence du feu (une idée qui est la cause). Pourquoi suis-je poussé à imaginer le feu à partir de la fumée ?

Cette idée de connexion nécessaire entre des événements naît d’un certain nombre de cas semblables qui se produisent et de la constante conjonction de ces événements. Cette idée ne peut jamais être suggérée par l’un quelconque de ces cas, étudié sous tous les éclairages et dans toutes les positions possibles. Mais il n’y a rien dans une pluralité de cas qui diffère de tout cas singulier qu’on suppose exactement semblable ; sauf seulement qu’après une répétition de cas semblables, l’esprit est porté par l’habitude, à l’apparition d’un événement, à attendre sa conséquence habituelle, et à croire qu’elle se manifestera. Cette connexion, donc, que nous sentons dans l’esprit, cette transition habituelle de l’imagination d’un objet à sa conséquence habituelle, est le sentiment, l’impression d’où nous formons l’idée de pouvoir ou de connexion nécessaire. (Enquête sur l’entendement humain, VII)

On remarquera :

  • que la connexion nécessaire suppose la répétition de cas semblables et la mémoire, qui retient et compare les différents événements ;
  • qu’elle ne dépend pas du contenu objectif de l’impression : il n’y a rien, dans l'événement vu une dixième fois, qui change véritablement du premier événement ;
  • que ce qui change, c’est la manière dont l’esprit ressent l’événement : c'est l’impression subjective. La répétition modifie la façon dont les impressions nous affectent, en ravivant les idées qui sont liées à une impression.

L’imagination est donc conduite, à partir d’une expérience présente, à dépasser cette expérience et à projeter dans le futur sa croyance en une connexion causale.

L’explication humienne repose ainsi :

  1. sur la croyance : elle est une manière de sentir quelque chose qui s’impose à nous, en l’occurrence de sentir une idée comme reliée de manière nécessaire à une impression ;
  2. sur l’habitude, qui est à l’origine de la croyance. L’habitude est « le grand guide de la vie humaine » : elle naît de la répétition de cas semblables et de la modification de l’esprit ;
  3. sur une genèse pratique : c’est parce que certaines idées de bien et de mal doivent avoir une influence sur nos passions (et pas simplement nos impression actuelles, sans quoi nous ne pourrions pas nous orienter dans la vie), que la croyance permet à certaines idées d’avoir autant d’influence que les impressions présentes ;
  4. sur une genèse inconsciente :

« il vaudra la peine de noter ici que l’expérience passée dont dépendent tous nos jugements sur la cause et l’effet peut opérer sur notre esprit d’une manière si insensible que, jamais, nous n’y faisons attention, et que même elle nous est dans une certaine mesure inconnue ». (TNH, I, III, 8)

C’est donc le travail du philosophe de mettre en évidence la genèse cachée de l’habitude, qui s’oublie en se constituant. La science est fondée sur la croyance et l’instinct, ce qui ne signifie pas qu’elle soit impossible, car elle peut, sur ces bases, avoir des résultats importants, si elle est précise et revient à l’expérience.