La notion de phantasia d’Aristote est difficilement traduisible. On a pu proposer :

  • représentation
  • imagination (depuis Boèce, les Latins traduisent souvent le terme par imaginatio)
  • voire fantaisie (notamment chez Montaigne).

Cette hésitation souligne la difficulté du texte d’Aristote (De Anima, III, ch. III), qui chercher à montrer à la fois :

  • que la phantasia est une faculté distincte, de la sensation et de l’opinion, mais aussi de la pensée ;
  • qu’aucune faculté ne fonctionne isolément.

Une première définition énonce :

la phantasia est la faculté en vertu de laquelle nous disons qu’une image (phantasmos) se produit en nous, et si nous laissons de côté tout usage métaphorique du terme nous dirons qu’elle est seulement une faculté ou un état par quoi nous jugeons et pouvons être dans la vérité ou dans l’erreur.

La phantasia est ainsi ce qui donne à la pensée sa matière, en produisant une image à partir de la sensation, mais distincte de cette sensation. Par ce décalage avec le donné, elle rend possible le jugement (l’attribution d'une qualité à une réalité) et donc la vérité ou l’erreur.

Aristote doit alors distinguer la phantasia de la doxa (opinion), qui semble impliquer également une forme de jugement. Il mobilise quatre critères :

  1. l’opinion s'impose à nous, la phantasia peut être provoquée à volonté ;
  2. l’opinion implique une charge émotive qui correspond à ce qui est pensé, alors que « si c’est par le jeu de l’imagination, nous nous comportons de la même façon que si nous contemplions en peinture les choses qui nous inspirent terreur ou confiance » ;
  3. l’opinion implique une forme de conviction (pistis), et non l’imagination ;
  4. l’imagination est commune à de nombreux animaux, la doxa implique un raisonnement et est propre à l’homme.

L’imagination implique donc une distance, voire une liberté : elle a son origine dans la sensation, mais pas sa finalité. Elle n’est pas (contrairement à ce que souligne Platon) une combinaison de sensations, ou de sensations et d’opinions.

L’imagination est également distincte de l’intellection : car elle n’est pas nécessairement vraie ; elle est même plutôt fausse (mais pas toujours).

Aristote conclut par une seconde définition :

la phantasia est un mouvement issu de la sensation en acte.

Elle porte une ressemblance par rapport à la sensation, mais prépare la réflexion et le jugement (« on ne pense pas sans image », III, 7) : les images tiennent lieu de sensation pour l’activité de l’esprit. L’imagination est ce par quoi le monde extérieur pénètre dans l’intimité de l’être vivant et ce qui permet à l’intellect d’articuler des concepts en les pensant « dans » les images.

Elle a, pour de nombreux animaux, un rôle pratique en leur permettant de savoir ce qu’il faut fuir et poursuivre.