La substance désigne à la fois ce qui est en soi (n’appartient pas à autre chose) et ce qui existe par soi (n’a pas besoin du concept d’autre chose pour être conçu). L’accident est ce qui ne répond pas à ces deux critères.
La question que pose Spinoza au début de l’Éthique est de savoir s’il est possible qu’il y ait plusieurs substances ou s’il n’y a qu’une substance.
Deux substances pourraient se distinguer par leurs attributs (ce que l’entendement perçoit de l’essence d’une substance comme élément constitutif) ou par leur mode (affection de la substance : ce qui est en elle et ce qui se conçoit par elle, mais en est distinct).
Ce n’est pas possible par les modes : car une substance est indépendante de ses modes, elle doit pouvoir se concevoir sans elle.
Ce n’est pas possible par l'attribut : a) une chose ne peut être cause d’une autre sans avoir quelque chose de commun avec son effet ; b) deux substances qui se distingueraient ne pourraient s’engendrer l’un l’autre : on ne comprend pas comment l’une ou l’autre pourrait exister.
Spinoza en déduit les caractéristiques de la substance (Dieu ou nature) :
- Elle est infinie (Éthique I, prop. 8) : puisqu’elle est seule, elle ne peut être limitée par rien. Pour Spinoza, c'est donc le fini qui nie l’infini et non le contraire.
- Elle est cause de soi : nécessaire, car elle ne peut pas ne pas exister.
Dieu est donc fait d’une infinité d’attributs infinis (nous en connaissons deux : l’espace et la pensée) et est cause immanente d’une infinité de modes finis (les hommes, les êtres naturels, etc.).
Dieu est libre, car il existe par la seule nécessité de sa nature ; les modes existent par autre chose et doivent être compris par référence à autre chose. Mais Dieu produit ses modes en lui, car ses modes, qui sont ses effets, ne peuvent exister sans supposer Dieu. L’immanence désigne l’absence de distinction réelle entre Dieu et les créatures ; il n’y a entre eux qu’une distinction modale.
La distinction modale est caractérisée par le fait que :
- la substance peut être conçue sans son mode, mais le mode ne peut être conçu sans la substance ;
- entre deux modes, on peut penser à un mode sans l’autre.
Par cette distinction modale et cette théorie de la causalité immanente Spinoza assure : a) que nous faisons partie d’une nature unie ; b) que nous sommes des effets d’une puissance plus vaste (nature naturante) ; c) que nous sommes marqués, relativement à elle et par la limitation des autres choses, par une forme d’impuissance.