Le philosophe arabe Avicenne (Ibn Sina, XIe siècle) a prolongé la position aristotélicienne dans son Livre sur l’âme en complexifiant la doctrine des sens internes.

Pour Avicenne en effet, de la même manière qu’il y a cinq sens externes, on peut compter cinq sens internes :

  1. le sens commun : c’est le sens qui réunit les cinq sens externes (goût, toucher, odorat, vue, ouïe) et les synthétise ;
  2. l’imagination : elle a pour rôle de retenir les formes sensibles, et permet de lutter contre leur caractère éphémère, elle est un premier stade de mémoire ;
  3. la vertu imaginative distingue et compose les différents éléments retenus par l’imagination : elle peut même inventer ce qui n’existe pas dans la réalité (comme une chimère) ;
  4. la vertu estimative a, en particulier, la fonction d’abstraire les intentions – c’est-à-dire les significations – des choses sensibles et, par la combinaison de ces significations, de former des jugements. Cette faculté guide les réactions pratiques des animaux, leur permet de distinguer ce qui est à poursuivre et ce qui est à fuir ; elle porte un « jugement imaginable » sur le singulier ;
  5. la mémoire : elle retient non seulement les images sensibles, mais aussi les produits des différentes facultés imaginatives et estimatives.

Avicenne ne réduit donc pas l’imagination à une fonction d’enregistrement, ni à l’idée d’une faculté libre et toujours fausse. L’imagination, sous ses différentes formes, permet de mieux percevoir le réel en en découvrant la structure interne et de s’orienter dans la vie pratique.

Averroès (Ibn Rushd, XIIe siècle) a développé et modifié cette doctrine en identifiant une « faculté cogitative », qui est le propre de l’homme.

Elle est définie comme

« une faculté distinctive (vis distinctiva) individuelle, à savoir une faculté qui ne distingue rien qu’individuellement, et non universellement » (Grand commentaire au traité De l’âme d’Aristote).

Elle est même désignée comme « une certaine raison » précisément parce qu’elle possède une dimension judicative. Elle joue un rôle essentiel en préparant l’âme à la connaissance universelle et fait office d’une première étape décisive sur le chemin de la connaissance intellectuelle, bien qu’elle demeure une faculté proprement sensible. L’image qui est l’objet de cette faculté n’est :

  • ni complètement sensible, car elle ne correspond pas simplement à l’ensemble des données perçues : elle porte sur l’essence, la forme d’un individu singulier (Socrate) ;
  • ni intellectuelle au sens propre, car elle n’est pas universelle.

Avicenne comme Averroès insistent sur la dimension médiatrice de la phantasia, mais alors qu’Avicenne considère que cette dernière ne fait que préparer à la pensée universelle, qui vient d’un intellect externe, Averroès soutient qu’elle est la cause et l’occasion de la pensée universelle : celle-ci demande l’intervention d'un pouvoir séparé, mais elle trouve dans l’image son contenu.