Pour Hume, nous n’avons aucune impression originelle du moi qui correspond à l’idée que nous avons de nous-mêmes ; le moi est une fiction :
- il ne correspond pas à une impression originelle ;
- il est construit.
Cela ne signifie pas qu’il est complètement illusoire : le moi se distingue et se construit dans la relation avec les autres. Mais cela signifie qu’aucune introspection – aucun examen de soi par soi – ne peut découvrir un moi qui serait :
- unique ;
- un, c’est-à-dire cohérent et simple ;
- stable.
En effet, l’expérience de l’introspection est celle d’un flux de perceptions et de passions :
Pour ma part, quand j’entre le plus intimement dans ce que j’appelle moi-même, je bute toujours sur quelque perception particulière ou sur une autre, de chaud ou de froid, de lumière ou d’ombre, d’amour ou de haine, de douleur ou de plaisir. Je ne peux jamais, à aucun moment, me saisir moi-même sans une perception, et jamais je ne puis observer autre chose que la perception... L’esprit est une sorte de théâtre où différentes perceptions font successivement leur apparition, passent, repassent, glissent et se mêlent en une infinie variété de positions et de situations. Il n’y a en lui proprement ni simplicité en un moment, ni identité en différents moments. La comparaison du théâtre ne doit pas nous induire en erreur. Ce sont seulement les perceptions successives qui constituent l’esprit. (I, IV, 6)
La métaphore du théâtre est ainsi inadéquate, car il n’y a ni auteur qui garantit l’unité du moi de l’extérieur, ni de lieu unique sur lequel reposent ces perceptions. Le moi n'est qu’
une collection de différentes perceptions qui se succèdent les unes aux autres avec une inconcevable rapidité et qui sont dans un flux et un mouvement perpétuels.
Pourtant l’idée du moi a bien une consistance car elle est construite à partir :
- de la ressemblance qu’il y a entre certaines perceptions présentes et certaines perceptions passées : la mémoire produit ainsi l’identité ;
- de la causalité qui existe entre les différentes perceptions : nous projetons une certaine connexion entre les différentes perceptions de l’esprit, ce qui lui donne une forme de continuité ;
- par une forme de croyance, qui étend l’identité au-delà des impressions dont nous avons un souvenir actuel.
Il en va donc de l’identité du moi comme de l’identité des choses : l’esprit, qui a l’habitude de passer par une transition aisée d’une idée à l’autre, suppose une identité et une continuité supérieure des choses pour éviter les contradictions et l’incohérence de l’expérience. L’identité est une réaction devant le spectacle dérangeant du flux et de l’incohérence.