Voltaire attribue à Malebranche l’idée selon laquelle l’imagination serait la « folle du logis ». Malebranche, dans le livre II de la Recherche de la vérité, soutient que les « visions de l’imagination » sont une des causes de nos erreurs.

l’imagination ne consiste que dans la force qu’a l’âme de se former des images des objets, en les imprimant pour ainsi dire dans les fibres de son cerveau (II, 1).

La perspective de Malebranche est donc :

  1. physiologique : l’imagination est constituée par les traces ou vestiges que les mouvements du corps et du monde extérieur impriment sur notre cerveau ;
  2. anthropologique : l’imagination est liée à la condition d’un homme déchu, dont l’âme est étroitement liée au corps.

À la suite de Montaigne, Malebranche souligne que l’imagination dépend des circonstances dans lesquelles les traces du cerveau se produisent. C’est ce lien de l’imagination au corps, qui fait que nous jugeons davantage selon la nature de notre corps que selon la nature des choses ou selon la raison, qui explique les erreurs :

Cette grande facilité, qu’a l’imagination à se représenter les objets qui lui sont familiers, et la difficulté qu’elle éprouve à imaginer ceux qui lui sont nouveaux, fait que les hommes se forment presque toujours des idées, qu’on peut appeler mixtes et impures ; et que l’esprit ne juge des choses que par rapport à soi-même et à ses premières pensées. Ainsi, les différentes passions des hommes, leurs inclinations, leurs conditions, leurs emplois, leurs qualités, leurs études, enfin toutes leurs différentes manières de vivre, mettant de fort grandes différences dans leurs idées, cela les fait tomber dans un nombre infini d’erreurs. (II, II, 2)

Malebranche insiste enfin sur la dimension collective de l’imagination, liée au récit et à la fiction. Il évoque la contagion des imaginations, qui repose sur :

  • les liens naturels entre les hommes, qui « consistent dans une certaine disposition du cerveau qu’ont tous les hommes, pour imiter quelques-uns de ceux avec lesquels ils conversent, pour former les mêmes jugements qu’ils font et pour entrer dans les mêmes passions dont ils sont agités » ;
  • dans l’amour de la réputation et dans l’impression vive que fait sur nous une personne à l’imagination « forte ».

Ces personnes à imagination forte possèdent « une facilité de s’exprimer d’une manière forte et vive quoiqu’elle ne soit pas naturelle » qui persuade les autres. Malebranche évoque le célèbre exemple d’un pâtre qui croit avoir vécu une scène de sorcellerie et, par la force de son imagination, en convainc toute sa famille.

L’imagination possède toutefois un versant positif : elle aide l’esprit, notamment dans ses réflexions géométriques, en lui figurant des figures et des lignes (livre VI) : mais elle doit être alors réglée par la raison.