Le philosophe Gaston Bachelard a proposé une double philosophie de l’image.

  1. Dans son analyse épistémologique, l’image est un obstacle à la pensée scientifique qui doit lui substituer le concept, voire un modèle. Les images forment une matière première de l’esprit que le savoir doit corriger, voire réfuter.
  2. Dans son analyse de la poésie, l’image devient la substance même de l’esprit, il désigne sa vie.

Pour Bachelard, il est réducteur de réduire l’imagination à la sensation ou à une forme de sensation (mémoire, composition). L’imagination est :

la faculté de déformer les images fournies par la perception, elle est surtout la faculté de nous libérer des images premières, de changer les images.

L’imagination fragmente, compose, déplace : elle innove en travaillant les images fournies par la sensation. Dans son introduction à L’Air et les songes, Bachelard insiste :

  1. sur la liaison de l’imagination à l’imaginaire, plutôt qu’à l’image entendue comme représentation d’un objet en son absence ;
  2. sur la mobilité des images, leur caractère « évasif », « dynamique » ;
  3. sur la nouveauté des images : si elles peuvent se fossiliser, elle ont ce pouvoir de faire advenir du nouveau et de nourrir le « psychisme ».

Le philosophe doit ainsi être attentif aux connotations des images plus qu’à leur définition, à leur origine plutôt qu’à leur état constitué.

Dans cette approche, Bachelard s’inspire de et renouvelle :

  1. la psychanalyse, qui considère les symboles, mais a le défaut de les interpréter et d’en considérer la signification unique ;
  2. la phénoménologie qui décrit les opérations du psychisme, mais n’a pas encore exploré la dimension de l’imaginaire.

Bachelard identifie ainsi le phénomène essentiel de la rêverie : il ne s’agit pas d’un rêve inconscient, mais d’une expérience de distraction, où la veille et le rêve s’entremêlent. La littérature, et ses images et métaphores, est le produit de cette rêverie productrice.