Les sciences proposent des énoncés vérifiables, pas nécessairement immuables : l'histoire des sciences montre que les énoncés scientifiques ont été modifiés, précisés au fil du temps.
La question qui se pose est alors celle de la continuité ou de la discontinuité de l'histoire des sciences: les sciences se succèdent-elles de manière continue ou discontinue?
L'hypothèse de la discontinuité
Elle se fonde sur l'idée d'une incommunicabilité entre les théories successives. Thomas Kuhn dans La structure des révolutions scientifiques a ainsi soutenu que l'histoire des sciences étaient une succession discontinue de paradigmes, chaque paradigme résultant
d’une découverte scientifique universellement reconnue qui, pour un temps, fournit à la communauté de chercheurs des problèmes type et des solutions.
Le paradigme fixe les entités contenues dans la nature, la manière dont elles se comportent, ainsi que les problèmes et les réponses types : il constitue une communauté scientifique. Il s'incarne dans:
- des langages symboliques (ex: la structure mathématique pour les lois de la physique moderne);
- des principes métaphysiques (manière de concevoir le monde);
- des valeurs scientifiques (exactitude, valeur de l'expérience, etc...);
- des exemples-types, qui apportent des solutions aux problèmes classiques et contribuent à une "connaissance scientifique tacite".
La révolution scientifique désigne un moment de bascule où un ensemble de faits et de contre-exemples aboutissent à l'abandon d'un ancien paradigme et donc à l'adoption d'un nouveau. Ces révolutions sont des changements dans la "vision du monde".
Ce modèle est particulièrement adapté pour penser les discontinuités externes, les moments où une discipline, proto-scientifique, passe à une dimension scientifique rigoureuse (comme du géocentrisme à l'héliocentrisme de Copernic et Gallilée).
L'hypothèse continuiste
Ce modèle peine en revanche à expliquer l'évolution interne des théories scientifiques, qui suppose la conservation des mêmes valeurs et références (entre la mécanique classique et la mécanique relativiste par exemple).
On peut penser cette histoire sur le modèle d'une histoire réccurente (Bachelard) : la nouvelle théorie ne dépasse l'ancienne qu'en expliquant dans quelle mesure la première est valable. Cette précision ou correction suppose une forme de traductibilité des concepts d'une théorie à l'autre: une continuité minimale.