« Sous chaque pensée gît un affect. »

écrit Nietzsche dans les Fragments posthumes.

La philosophie de Nietzsche procède à une déconstruction de la notion de sujet en suivant le « fil conducteur du corps » et de l'affectivité.

Cette déconstruction passe :

1. par une critique philologique, notamment du cogito cartésien :

« Quelque chose pense, mais croire que ce quelque chose est l’antique et fameux moi, c’est une pure supposition, une affirmation peut-être, mais ce n’est certainement pas une certitude immédiate. » (Par-delà bien et mal, §17)

L'inférence, à partir de la conscience d'une pensée, de l'idée d'un sujet qui porte et maîtrise cette pensée est hâtive : elle déduit de la structure grammaticale du langage l'existence d'un sujet unique, transparent à lui-même substantiel.

2. par une approche généalogique de la conscience (au sens d'une conscience réflexive qui peut se prendre pour objet), qui apparaît comme dérivée du « besoin de communication » de l'homme au sein de la société : 

étant l’animal qui courait le plus de dangers, [l'homme] avait besoin d’aide et de protection, il avait besoin de ses semblables, il était forcé de savoir exprimer sa détresse, de savoir se rendre intelligible — et pour tout cela il lui fallait d’abord la « conscience », il lui fallait « savoir » lui-même ce qui lui manque, « savoir » quelle est sa disposition d’esprit, « savoir » ce qu’il pense. (Gai Savoir, § 354)

Contrairement donc à une pensée héritée d'Augustin, Nietzsche propose de distinguer la conscience de la pensée (il existe une pensée inconsciente) et de rapporter la conscience à un fait plus collectif qu'individuel.

La conscience devient alors un effet de « surface » (Gai Savoir, §354), une représentation déformée d'un champ de forces, d'un complexe d'instincts et d'affects qui caractérisent notre vie infra-consciente et corporelle. Ce « monde inconnu du sujet » n'est représenté que fragmentairement par la conscience qui, en interprétant ces instincts, les transforment (Aurore, § 115-117). L'acte de se connaître ne traduit pas de manière transparente le sujet, mais fait partie d'une conscience qui est en elle-même processus et métamorphose.