Dans la Crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale (1935), Husserl s'appuie sur les acquis de sa phénoménologie pour repenser la science.
Selon Husserl, la crise que traverse l'Europe dans les années 1930 repose sur une absence de réflexivité de la part des citoyens qui n’interrogent pas le présupposé de leurs activités techniques et scientifiques et ont abandonné l’idée d’un monde commun. C'est pourquoi Husserl fait précéder l'entreprise de fondation d'une approche génétique, « d'une question-en-retour » sur l'origine et le sens de la praxis scientifique.
Le développement de la science moderne (avec Galilée) s’est accompagné d’une interprétation mathématique de la nature, qui s'est développée vers
l’idée d’une totalité d’être rationnelle infinie, systématiquement dominée par une science rationnelle. (§9)
Cette nature scientifique n’est pas immédiatement donnée, mais est construite par la science et ses outils ; elle recouvre le monde-de-la-vie (monde de nos actions et de nos intuitions quotidiennes) d’un « vêtement d’idées ».
L'idéalisation scientifique procède alors :
- par le remplacement des approximations du monde quotidien par une volonté d'exactitude ;
- par la conception d'un univers totalement réglé par les lois mathématiques : les qualités sensibles sont réduites à leur dimension quantitative ;
- par l'idée d'une causalité universelle idéale, notamment en ce qui concerne le mouvement.
Husserl vise alors la
substitution […] par laquelle le monde mathématique des idéalités, qui est une substruction, est pris pour le seul monde réel, celui qui nous est vraiment donné comme perceptible, le monde de l’expérience réelle ou possible : bref, notre monde de la vie quotidien.
Husserl ne critique pas la science moderne en tant que telle, dont il reconnaît l’importance heuristique, mais l’idée qu’elle consisterait en une réalité absolue et unique, alors que le savant vit dans ce monde quotidien de l’action et de la pratique. Retrouver le sens de l’existence, c’est faire retour à ce monde-de-la-vie, caractérisée par l'oscillation approximative, l'intersubjectivité et par la relation du corps à son environnement.