Si la physique moderne a mis de côté l'usage de la cause finale pour décrire les phénomènes matériels, la question du vivant a ravivé l'intérêt pour la finalité, dans la mesure où un certains nombres de phénomènes semblent incompréhensibles si l'on ne prend pas aussi en compte ce pour quoi ils sont fait: leur fonction, voire leur finalité.
Dans la préface à la Critique de la faculté de juger, Kant souligne qu'il est impossible de connaître la nature autrement que par les lois de l'entendement, qui impliquent l'idée de causalité mécanique, mais pas celle de finalité. D'un autre côté, le vivant semble ne pas être explicable par une causalité mécanique, qui agit partes extra partes: le vivant possède une unité interne qui guide son développement comme s'il suivait une fin. Il faut donc distinguer selon Kant:
- Le jugement déterminant: c'est l'entendement qui impose sa loi universelle au particulier ;
- dans le jugement réfléchissant, c’est inversement le particulier qui, éveillant la curiosité de l’esprit, lui fournit l’occasion d’enfanter des idées nouvelles, qui suggère à l’entendement un grand nombre d’idées générales, et lui donne ainsi beaucoup à penser. C'est ici la raison qui donne un principe à l'entendement.
Le jugement téléologique est un jugement réfléchissant au sens où il ne s'agit pas d'un jugement qui dit ce qu'est la nature, mais comment il faut la considérer pour la comprendre.
Dans le § 65, Kant peut alors formuler la distinction entre:
- la causalité efficiente, selon laquelle aucun effet ne peut être l'effet de sa propre cause;
- la causalité finale, où l'effet précède la cause sous la forme d'une représentation: l'idée de la maison précède la construction de la maison et la motive.
Pour Kant, l'organisme semble suivre une telle causaltié finale, car:
- les parties ne sont possibles que par leur rapport au tout;
- les parties se lient dans l'unité d'un tout en étant cause l'une pour l'autre de leurs effets et de leurs formes (causalité réciproque).
C'est cette force formatrice (et non motrice) qui caractérise les réalités naturelles, par distinction avec les artefacts, de telle manière que nous devons présupposer l'idée d'un tout dans la formation de l'organisme.
Pour Kant, l'accès direct à cette dimension synthétique de l'organisme est impossible, du fait de la formation de notre entendement, mais elle peut être comprise indirectement, par une analogie avec le modèle intentionnel de la rationalité humaine.
La biologie moderne se sert ainsi du concept de téléologie comme d'un "concept opérateur": la notion de programme génétique, emprunté aux sciences de l'information, permet de montrer que le vivant suit un développement en partie pré-déterminé, une "fin" qui n'est cependant plus assimilable à une "intention" (François Jacob, La logique du vivant).