Il semble bien que la science vise la réalité, mais la science ne semble pas en mesure de réfléchir sur la nature de cette réalité. Elle est ce qui résiste à notre imagination, mais il difficile de former un concept de réalité à partir des concepts sicentifiques.

On peut distinguer deux positions en ce qui concerne les rapports entre la science et la réalité:

  • Une position empiriste, qui fait de la science une description directe des faits
  • Une position constructiviste, qui considère la science comme une construction d'un objet qui n'a une relation qu'indirecte avec l'expérience commune, voire comme une interprétation du réel.


Ces deux positions ne sont pas nécessairement exclusives, et il existe des degrés dans chacune.

La position empiriste consiste à soutenir que la science tient sa vérité de sa conformation à l'expérience et aux faits. C'est ainsi la position de Diderot dans les Pensées sur l'interprétation de la nature :

Tant que les choses ne sont que dans notre entendement, ce sont nos opinions ; ce sont des notions, qui peuvent être vraies ou fausses, accordées ou contredites. Elles ne prennent de la consistance qu’en se liant aux êtres extérieurs. Cette liaison se fait ou par une chaîne ininterrompue d’expériences, ou par une chaîne ininterrompue de raisonnements, qui tient d’un bout à l’observation, et de l’autre à l’expérience. (§7)

La raison "demeure en elle-même" : elle ne peut toucher la réalité qu'en se soumettant à l'expérience. Mais cette expérience prend deux formes:

  • l'observation: l'enregistrement des faits, par une fréquentation habituelle de la nature;
  • l'expérience: elle vérifie les résultats des raisonnements et des hypothèses (§15), elle exige des "dépenses continuelles".

Si l'observation peut sembler passive, l'expérience est une interrogation active des faits (elle est expérimentation) : elle consiste à "tourmenter" son objet (§44):

  • par la répétition des expériences, afin de confirmer ou infirmer une hypothèse;
  • par la variation des expériences, afin de limiter ou d'étendre les limites d'une théorie.

Une expérience n'a donc de sens que par rapport à une hypothèse préalable: en cela, elle n'est pas complètement neutre, mais construit en partie son objet. Toute la difficulté étant alors de "laisser l'expérience à sa liberté" (§ 47):

c’est la tenir captive que de n’en montrer que le côté qui prouve, et que d’en voiler le côté qui contredit. C’est l’inconvénient qu’il y a, non pas à avoir des idées, mais à s’en laisser aveugler, lorsqu’on tente une expérience.

S'il n'y a pas d'expérience préablable sans idée, il n'y a pas de véritable expérience qui ne mette en doute l'idée préalable. L'expérience est autant vérification que test.