Le modèle de scientificité des sciences naturelles est celui de l'explication : on y explique un phénomène en le subsumant sous des lois générales, qui désignent des relations constantes entre plusieurs phénomènes.

Peut-on déceler de telles lois en sciences humaines ? Ces lois permettent-elles d'identifier la cause des phénomènes étudiés ?

Émile Durkheim (Les Règles de la méthode sociologique) a soutenu qu'il existe des lois au niveau social, qui peuvent être formulées sous forme de concomitances statistiques. Il s'agit donc, par un raisonnement comparatif, d'établir des variations concomitantes entre phénomènes, en montrant que lorsqu'un phénomène change, dans des conditions semblables, cela entraîne la modification du phénomène concomitant (par ex. entre le taux de suicide et le fait d'appartenir ou non à telle ou telle religion).

La manière dont un phénomène se développe en exprime la nature ; pour que deux développements se correspondent, il faut qu'il y ait aussi une correspondance dans les natures qu'ils manifestent. La concomitance constante est donc, par elle-même, une loi.

Cependant, une telle variation concomitante ne définit pas nécessairement un rapport de causalité entre les deux phénomènes (les personnes qui ont un niveau de revenu élevé trouvent la société juste, mais le revenu élevé n'est pas nécessairement la cause de cette représentation). Comme le note Durkheim,

La concomitance peut être due non à ce qu'un des phénomènes est la cause de l'autre, mais à ce qu'ils sont tous deux des effets d'une même cause, ou bien encore à ce qu'il existe entre eux un troisième phénomène, intercalé mais inaperçu, qui est l'effet du premier et la cause du second.

Les régularités dégagées des comparaisons et de l'étude statistique doivent donc être interprétées et vérifiées par de nouvelles comparaisons et études ; les comparaisons doivent se faire de manière intégrale entre les sociétés, en prenant en compte un grand nombre de variables.

Cette vision se heurte :

  1. à la complexité du monde social où les phénomènes sont enchevêtrés et rendent difficile l'isolement des phénomènes (Mill,Système de logique, Livre VI, ch. VII) ;
  2. à l'idée d'une contingence, voire d'une liberté des individus humains ;
  3. à la singularité des situations, notamment historiques.