Pour Nietzsche, il convient de s'étonner de la morale comme d'un problème :

  1. non pas comme une donnée qu'il faudrait justifier ;
  2. ni comme un fait universel et éternel ;
  3. mais comme une caractéristique variable, historiquement constituée dont il faut entreprendre la critique, c'est-à-dire l'évaluation (Gai Savoir, §345).

Comme il le remarque dans Ainsi parlait Zarathoustra, la valeur est contingente et est le produit d'une forme de vie déterminée, avec ses particularités sociales et culturelles. D'où l'idée d'une histoire naturelle de la morale, qui en retrace l'évolution.

La notion de valeur désigne ce qui est mis au-dessus du reste, une préférence subjective qui est édifiée en absolu. Elle est toujours une expression de la vie, même si elle semble la nier : il n'est pas possible d'évaluer la vie car cela aboutirait à se situer en dehors d'elle (Crépuscule des idoles, « La morale comme anti-nature », § 5). Même la morale qui nie la valeur de la vie terrestre, comme celle de l'idéal ascétique, est une forme de vie.

Nietzsche s'interroge en particulier sur la morale héritée du christianisme, comme une forme de vie. La position de Nietzsche est ambivalente :

  1. le christianisme a rendu l'homme intéressant en le modifiant par la culture ;
  2. il a aussi été à l'origine d'une série de pathologies culturelles, en particulier le nihilisme.

Le nihilisme est la volonté du néant :

 de cette diversité de sens dans l’idéal ascétique chez l’homme, ressort le caractère essentiel de la volonté humaine, son horror vacui : il lui faut un but, — et il préfère encore avoir la volonté du néant que de ne point vouloir du tout. (Généalogie de la morale, III, 1)

Il est l'aboutissement d'une évolution où la volonté, après avoir désiré la réalisation d'idéaux moraux, après s'être retournée contre elle-même, voit ses idéaux s'effondrer et se précipite vers le néant.

La « mauvaise conscience » représente une étape essentielle de cette histoire de la morale : sous la pression des normes sociales et extérieures, les pulsions inassouvies, se retournent contre l'homme et forment un moi qui se réprime lui-même :

Tous les instincts qui n’ont pas de débouché, que quelque force répressive empêche d’éclater au-dehors, retournent en dedans — c’est là ce que j’appelle l’intériorisation de l’homme : de cette façon se développe en lui ce que plus tard on appellera son « âme ». Tout le monde intérieur, d’origine mince à tenir entre cuir et chair, s’est développé et amplifié, a gagné en profondeur, en largeur, en hauteur, lorsque l’expansion de l’homme vers l’extérieur a été entravée. (Généalogie de la morale, II, 12)

La morale est une intériorisation des normes sociales, qui deviennent internes au sujet. Pour Nietzsche, cette morale n'est pas à rejeter absolument, mais il convient d'en proposer une analyse critique.