C'est à partir de 1960, avec la publication du livre de Philippe Ariès que l'enfance devient véritablement objet d'histoire.

La famille est une construction sociale. Les diverses formes qu'elle a adoptées tout au long de l'histoire obligeraient à utiliser le terme au pluriel – familles plutôt que famille – ou même à parler d’« agencement familial ». La famille, au singulier, en tant que modèle d'organisation de la vie privée, s'impose souvent comme une évidence malgré les contours disparates que cette institution prend dans la vie réelle.

L'enfance autrefois était plus courte qu'aujourd'hui : c'était l'âge de l'innocence et de l'irresponsabilité, elle se terminait vers dix ou douze ans avec la mise au travail précoce. C'était aussi le temps de la dépendance matérielle et juridique qui pouvait durer fort longtemps puisque, en France, sous l'Ancien Régime, la majorité légale était de vingt-cinq ans pour les filles et de trente ans pour les garçons.

Au sens large, l'histoire de l'enfance touche à bien des domaines : vie quotidienne, croyances, religion, éducation, apprentissage, travail, droit. Elle ne peut se séparer de l'histoire de la famille. Du Moyen Âge jusqu'au XVIIe siècle, dans le cadre de grandes maisonnées, où vivent des familles élargies, l'enfant n'a guère de spécificité : il est perçu comme un adulte en réduction et on se soucie peu de protéger son innocence ou sa personnalité. On l'aime pour ses fantaisies comme un petit animal : c'est le « mignotage », dont certaines pages du Journal d'Héroard ou des Lettres de Mme de Sévigné nous donnent une idée. Dans un tel contexte, la mort des plus jeunes est en général vécue avec fatalisme et détachement, du moins en apparence.

À partir du XVIIIe siècle, dans la bourgeoisie ou la noblesse éclairée, la famille change de structure : elle devient plus intime, plus étroite ; on la qualifie de « nucléaire », parce qu'elle est réduite au couple parental et à ses enfants.

C'est en son sein que se produit la « découverte de l'enfance » qui est une grande mutation des comportements et des sensibilités : chaque enfant y est désormais un être unique et choyé. Son éducation se fait attentive, inquiète et personnalisée : il ne s'agit plus de redresser les mauvais penchants qui caractérisaient l'état d'enfance dans les siècles passés, mais de préserver ce qu'il peut y avoir en lui de spontané, d'innocent, d'unique. Ce nouveau courant qui s'inscrit dans l'optimisme de la culture des Lumières se manifeste par une abondante littérature administrative, morale, médicale et philosophique consacrée à l'enfance, qui culmine avec le succès de L'Émile de J.-J. Rousseau en 1762.

Outre la famille, l'école, qui contribue à façonner l'enfant, change aussi : l'étude des institutions scolaires et de leurs règlements révèle, à partir du XVIIe siècle, la volonté des élites morales et intellectuelles de préserver l'innocence des enfants pour les éduquer selon les principes de la religion et de la morale.