En faisant de l’éducation un élément de l’intégration des individus dans le système social, Durkheim ne résout pas les questions des inégalités. Ce modèle intégratif est ébranlé par de grandes enquêtes statistiques, qui, comme en 1970 celle de l’INED sur l’origine sociale des enfants entrant en 6e, ont mis en évidence l’incapacité des réformes entreprises au lendemain de la Seconde Guerre mondiale à démocratiser le système éducatif.

Avec ce qu’il est convenu d’appeler la « massification » de l’enseignement, caractérisée notamment par la création, en 1975, du collège unique et prolongée par l’objectif de porter 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat et 50 % à celui de la licence, l’élargissement de l’accès aux études ne s’est pas traduit par une démocratisation de l’école. Les inégalités socio-scolaires se construisent de façon quasi inexorable depuis les débuts de la scolarité jusqu’à la fin. On les constate en effet dès l’école maternelle et elles se sédimentent progressivement jusqu’à devenir irréversibles pour une bonne partie des élèves socialement défavorisés (Duru-Bellat, 2017).

Des recherches montrent aussi que le territoire national n’est pas homogène, certaines régions obtenant des résultats scolaires très souvent supérieurs à d’autres. Elles font aussi apparaître que les échecs et les inégalités les plus marqués se trouvent dans des zones urbaines où les établissements entrent en concurrence et où les moins bien classés dans la hiérarchie deviennent des lieux scolaires de relégation (Broccolichi, Ben Ayed et Trancard, 2010).

La massification et l’allongement des scolarités font diminuer relativement l’importance du capital économique au profit du capital culturel (Bourdieu, 1979 ; Place et Vincent, 2009) dans la réussite scolaire. Alors que devenir élève constitue souvent une rupture éducative, sous forme de socialisation secondaire pour les enfants de milieu populaire, cela s’inscrit dans la continuité de la socialisation primaire pour les enfants d’origine moyenne et supérieure tôt installés dans l’idée d’une scolarisation jusqu’à l’université.