Dès les années 1960, la sociologie de l'éducation s'est consacrée à l'étude et à l'explication de la distance et des tensions qu'il pouvait y avoir entre ce modèle et la réalité des pratiques et du fonctionnement de l'école.
Pourquoi les élèves issus des catégories sociales les moins favorisées obtiennent, en moyenne, de moins bons résultats que ceux venant des groupes les plus favorisés ? Cette question est d'autant plus centrale que nous vivons dans des sociétés démocratiques affirmant l'égalité fondamentale des individus et dans lesquelles l'égalité des chances scolaires est tenue pour une valeur fondamentale de l'école.
La théorie de la reproduction de Bourdieu a montré que, si les inégalités sociales persistent à l'école, ce n'est pas seulement parce que les élèves sont socialement inégaux, c'est aussi parce que l'école aurait pour fonction non-apparente de reproduire ces inégalités. La culture scolaire retiendrait les codes et les valeurs de la culture dominante, elle masquerait ainsi un « arbitraire culturel » favorable à la classe dominante et exerçant une « violence symbolique » sur les élèves les moins favorisés.
Raymond Boudon a proposé une autre explication des inégalités scolaires en insistant sur le rôle des anticipations stratégiques des acteurs et sur les utilités qu'ils attendent de la formation scolaire. Tous les groupes n'ont pas les mêmes intérêts scolaires, les mêmes ambitions de réussite et, surtout, les décalages entre les hiérarchies scolaires et la hiérarchie des emplois provoquent un mécanisme de dévaluation relative des diplômes dont les groupes les plus faibles sont les victimes.
Récemment, Marie Duru-Bellat a montré que les deux explications pouvaient largement être combinées et que les choix stratégiques des individus, les déterminismes culturels et les processus scolaires eux-mêmes contribuaient au maintien des inégalités scolaires.
Ce que l’on peut appeler les « effets de système », liés à l’orientation précoce des élèves dans des filières différenciées et hiérarchisées, ont très tôt été repérés comme facteurs de production des inégalités sociales dans l’enseignement.
La question du poids des inégalités sociales dans les parcours scolaires reste fondamentale parce qu'elle procède de la déception engendrée par une démocratisation scolaire incapable de réaliser l'égalité des chances qui est au cœur du projet de l'école républicaine.