Les savoirs et pratiques pédagogiques sont grandement redevables aux précurseurs de l’éducation des enfants sourds et aveugles qui, au XIIIe siècle, ont conçu, à partir du postulat d’éducabilité, des méthodes originales. De même, la tentative d’éducation de Victor, l’enfant sauvage, a inauguré l’éducation des enfants « arriérés » au début du XIXe siècle. Cette expérience s'inscrit dans tout le siècle, des projets prévus « pour les enfants des asiles », puis pour ceux que l’école analyse comme « débiles ». Cependant, ces actions pionnières se sont heurtées à la persistance de préjugés stigmatisants et à l’extension de l’« enseignement spécial » avec les classes de perfectionnement dans les années 1960 et 1970.

Dans le discours des enseignants, l'adaptation se présente comme une expression connotée très positivement, mais surtout comme un concept opératoire permettant de penser leurs pratiques d'enseignement, d'en revendiquer la pertinence, d'en mesurer l'efficacité auprès de leurs élèves et de motiver leur engagement professionnel. Or, dans les travaux des sociologues, l'adaptation renvoie à un ensemble de logiques, de modalités et de pratiques pédagogiques qui prennent des formes similaires dans des contextes socio-scolaires variés et qui conduisent les enseignants à réduire sensiblement, face aux élèves issus des milieux populaires, les ambitions intellectuelles des activités d'apprentissage avec des effets fortement dommageables à la réussite scolaire de ces élèves.

Les enseignants comprennent que cette adaptation peut entraîner une réduction des contenus et un abaissement des exigences formelles. Pourtant, cette transformation (contenus, exigences scolaires) n'est pas reçue négativement, puisqu'elle est considérée à la fois comme un levier et le détour qui vont permettre aux élèves d'accéder aux savoirs scolaires tels qu'ils sont définis par les programmes.

Scolariser des élèves handicapés oblige à un enseignement adapté : ce n'est ni une pédagogie spéciale pour certains, ni une pédagogie unique pour tous, ni une pédagogie complètement individualisée, mais une adaptation de chaque enseignement, dans chaque discipline, à chacun des élèves, pour garantir l’accessibilité de tous les savoirs à tous les élèves.