La perspective anthropologique met en lumière le débat nature / culture, et remet en question la définition que la civilisation occidentale a historiquement donnée au corps. Le corps est ainsi saisi comme une construction sociale et culturelle, une « matière de symbole, objet de représentations et d’imaginaires » (David Le Breton). On dépasse ici la simple « représentation anatomo-physiologique » de la médecine, qui se voit ériger comme la représentation officielle.

Dans les sociétés exotiques, le corps est représenté à travers des mythes, des croyances et des rituels dont l’efficacité est prouvée par l’ethnographe.

Le corps, lorsqu’il est souffrant, est au cœur des théories médicales et de leurs pratiques. « L’intention du corps dans la pensée occidentale répond à un triple retranchement : l’homme est coupé de lui-même [...], coupé des autres [...], coupé de l'univers [...] » (David Le Breton). Ce morcellement instigua la médecine à optimiser le fonctionnement du corps. De ce fait, ceci a entraîné le savoir médical à dépersonnaliser l’être social face à la maladie. « Dans la recherche de son efficacité propre la médecine a construit une représentation du corps malade qui écarte la singularité de l’homme souffrant. »

La dimension relationnelle entre médecin et patient est ainsi occultée au profit du traitement et de la gestion de la douleur. De plus, dans cette volonté de traiter et gérer la douleur, la maladie devient une évaluation statistique via une série de facteurs et de risques.

Le corps se présente, dans nos sociétés, sous de multiples facettes. Au cœur des rituels et des croyances, le rapport des hommes à la souffrance est un des éléments constitutifs des grandes religions.
Ainsi, malgré sa réalité matérielle, le corps ne peut se dissocier de tout ce qui l’inscrit dans la culture et le langage. Repositionner dans leur histoire ces deux idées, l’une culturelle et relativiste, l’autre homogénéisante et réductrice met en évidence la possibilité d’une réflexion critique où se confrontent le paradigme du corps-matière et celui du corps-métaphorique.

Bien que le corps soit un lieu de pouvoir pour le savoir médical, il est également un lieu où se cristallisent des normes et des valeurs. Les comportements corporels résultent ainsi d’un apprentissage et d'une intériorisation de logiques sociales et culturelles.

Lorsqu’il est considéré comme fait culturel, le corps devient un objet anthropologique. La culture du corps cesse d’être, comme chez les Grecs, une figuration pour autrui qui évolue, tout au long des interactions, dans une altérité.