Ce qualificatif de « sensible »a été tout d’abord appliqué à des espaces urbains, des zones puis des quartiers, avant d’être accolé au terme de « terrain ». C’est au début des années 1990 qu’apparaissent les ZUS, « appellation donnée dans le cadre de la politique de la ville aux zones urbaines sensibles » comme le rappelle Alain Vulbeau (2007 : 11). De ZUS, classées comme zones prioritaires, on est passé à l’appellation « quartier sensible » pour désigner un lieu identifiable d’abord par ses problèmes sociaux et aboutissant à la stigmatisation de ses habitants, surtout dans un contexte sécuritaire où ces derniers seront moins perçus comme précaires que comme dangereux .
À l’image des quartiers sensibles, les terrains évoqués font référence à des espaces particuliers (camps, quartiers, ghettos), à des conditions sociales stigmatisantes (réfugiés, clandestins, illégaux), à des contextes marqués par la violence, le danger ou la souffrance. Ils s’inscrivent dans le courant de certaines recherches ethnographiques récentes évoquées, par exemple dans l’ouvrage Terrains sensibles. Les expériences actuelles de l’anthropologie (2005) interrogent les techniques d’enquête et les postures du chercheur dans des situations de terrains sensibles. Si, selon J.-P. Dozon, « les terrains ethnologiques ont toujours été des terrains sensibles », on sait avec J. Copans que « chaque période a ses terrains sensibles », voire que « les terrains non sensibles des uns sont peut-être les terrains sensibles des autres » dès lors qu’on transpose un objet d’enquête dans un autre espace-temps.
L’approche est dite sensible en ce qu’elle rompt avec une approche ethnologique qui avait fini par être théorique, renvoyant le terrain au statut de « boîte noire ». Ainsi, la posture sensible est attentive à la proximité et au présent. Les terrains sensibles présentent alors des méthodologies spécifiques en particulier parce qu’ils impliquent de renoncer, ou modifier, le protocole d’enquête ; au minimum, tenir compte du caractère particulier du terrain d’enquête. Les traits saillants de l’approche sensible sont le refus du surplomb et de l’extériorité, et la prise en compte de l’altérité.