Jusqu’aux années 1950, l’école est vue comme un outil de transmission de savoirs permettant, en interaction avec la famille, de préparer l’enfant à son futur statut social et aux rôles qu’il devra remplir.

L’idée selon laquelle chacun a « sa chance » en allant à l’école est largement répandue et l’absence de moyens économiques pour continuer des études est compensée par l’extension de la gratuité scolaire, l’aide boursière... Cependant, si l’école est perçue par certains comme un « ascenseur social », elle est aussi vue comme un lieu de passage obligé par d’autres.

Dès lors que l’École intervient dans la future affectation sociale des indivi­dus et devient un moyen d’ascension sociale, son idéologie devient l’égalité des chances.

Paradoxe démocratique : c’est au moment où elle devient égalitaire que l’École apparaît inégalitaire.

Les travaux de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, associés à d’autres, développent des analyses complémentaires ou alternatives (B. Bernstein, M. Verret, R. Boudon...) de ces inégalités. Autour de ces références, il est question principalement des inégalités sociales face à la culture scolaire. Il faut ainsi faire à la fois une ethnologie de chaque groupe social qui est confronté à un système scolaire unique (ce sont les concepts de capital - culturel et linguistique et social - de Bourdieu) et une sociologie des rapports qui s’établissent entre ces différents groupes dans et hors de l’école (les concepts de reproduction et de distinction de Bourdieu).

Là où Bourdieu adopte un éclairage marxiste en posant la structure économique et sociale comme déterminant le comportement individuel (il parle « d’agent » social), Boudon considère que le comportement individuel est d’abord déterminé par un raisonnement et un calcul personnels qui, partagés par les membres d’un même groupe, aboutissent à un effet pervers.

Ainsi, l’inégalité des parcours constatés selon l’appartenance sociale (Bourdieu insiste sur la domination symbolique dans les rapports qu’entretiennent les classes les unes par rapport aux autres) ne tient pas fondamentalement à une « manipulation des dominants » par l’intermédiaire de l’institution scolaire qui serait à leur service ou à une aliénation des catégories modestes qui seraient « aveugles » à leur propre domination, mais à un calcul raisonné de la part des familles de toutes catégories qui perçoivent l’école comme moyen de dépasser leur condition.