Le suivi de l’activité des enzymes est une nécessité dans le monde des Biotechnologies. Il faut être capable de déterminer précisément la vitesse de réaction et l’affinité d’une enzyme pour son substrat afin d’assurer une démarche de qualité et d’améliorer les processus.
Expressions de l’activité enzymatique
Activité enzymatique : quantité d’enzyme nécessaire pour transformer une certaine quantité de substrat dans le laps de temps défini, dans des conditions définies :
- U : quantité d’enzyme nécessaire pour transformer une µmole de substrat par minute ;
- Katal : quantité d’enzyme nécessaire pour transformer une mole de substrat par seconde.
À partir de ces grandeurs, on définit de nouvelles grandeurs : activité totale, activité spécifique, …
Déroulement d’une réaction enzymatique
Lors d’une réaction enzymatique, plusieurs partenaires sont impliqués : enzyme (E), substrat (S), produit (P) (voir figure).
- Reconnaissance E-S : rapprochement des substrats (si plusieurs) pour les faire réagir ;
- Positionnement des substrats au niveau du site actif : placer les substrats dans les meilleures conditions possibles pour les faire réagir. Implication de liaisons faibles. Une modification du site actif est possible dans ces conditions ;
- Réaction chimique : les chaînes latérales des acides aminés sont généralement mises à contribution dans la réaction enzymatique ;
- Relargage des produits ;
- Retour du site actif dans sa configuration initiale = fixation d’un nouveau substrat possible.
Étude des paramètres cinétiques de la réaction enzymatique
- Réaction de type $\mathrm{A \longrightarrow B : vitesse = k [A]}$, avec $\mathrm{k =}$ constante de vitesse, et $\mathrm{[A] =}$ concentration en $\mathrm{A}$. C’est une réaction de premier ordre.
- Réaction de type $\mathrm{A + B \longrightarrow C : vitesse = k [A] [B]}$. Si $\mathrm{A}$ est en large excès par rapport à $\mathrm{B}$ en début d’expérience, alors $\mathrm{v = k’ [B]}$, avec $\mathrm{k’ = k [A]_0}$. C’est une réaction de second ordre.
En combinant les connaissances sur le déroulement des réactions enzymatiques, et les calculs de vitesse réactionnelle, Brigg-Haldane, puis Michaelis-Menten, ont déterminé les caractéristiques cinétiques d’une réaction enzymatique (voir figure). Le Km est un reflet de l’affinité de l’enzyme pour le substrat : plus il est faible, plus l’enzyme présente une forte affinité pour le substrat.
Représentation graphique de Menten-Michaelis
$\mathrm{V_0}$ est exprimé en fonction de [S] (voir figure) ;
Représentation graphique de Lineweaver-Burk
On transforme l’équation de Menten-Michaelis en $\mathrm{\frac{1}{V_0}}$ $\mathrm{= \frac{(K_m + [S])}{(V_{max} \times [S])}}$ = $\mathrm{\frac{K_m}{(V_{max} \times [S])} + \frac{1}{V_{max}}}$.
Il s’agit d’une équation de type $\mathrm{y = ax + b}$, si $\mathrm{x = \frac{1}{[S]}}$ et $\mathrm{y = \frac{1}{v_0}}$ (voir figure).
Paramètres influençant la cinétique enzymatique
On suit l’évolution de la valeur de $\mathrm{V_0}$ en fonction des paramètres physiques du milieu :
Température : de $\mathrm{0°C}$ à $\mathrm{40°C}$, augmentation progressive de la $\mathrm{v_0}$, jusqu’à un maximum, la température optimale. Cette augmentation est liée à la diminution de la barrière d’activation de la réaction enzymatique. Cette valeur dépend du pH, de la force ionique, etc. Au-delà de la température optimale, l’activité de l’enzyme décroît très vite en raison de la dénaturation de l'enzyme par l’agitation thermique (= destruction des liaisons).
pH : le pH va modifier le degré de ionisation de l’enzyme et du substrat, agissant ainsi les interactions ioniques entre les molécules : conformation structurale du site actif, attraction enzyme-substrat, activité des acides aminés catalytiques. Ceci peut améliorer ou réduire l’efficacité de l’enzyme. Il existe un pH optimum, et plus on s’éloigne de cette valeur, plus on décroît l’efficacité de l’enzyme (diminution de $\mathrm{v_0}$).
Concentration en enzyme : si l’on prend en compte l’équation de Menten-Michaelis, $\mathrm{v_0}$ dépend directement de la concentration en enzyme $\mathrm{[E]_0}$. Plus elle augmente, plus $\mathrm{v_0}$ augmente. Il existe des limites : la solubilité de l’enzyme en solution, et si $\mathrm{[E]_0}$ devient trop proche de $\mathrm{[S]}$ alors la modélisation de Menten-Michaelis n’est plus applicable.
Le cas des inhibiteurs
Inhibiteurs : molécules qui se fixent sur l’enzyme et diminuent ou abolissent la vitesse initiale de la réaction. Il en existe deux types : les inhibiteurs réversibles et les non-réversibles. Nous nous intéresserons uniquement aux inhibiteurs réversibles.
Les inhibiteurs réversibles sont répartis en deux groupes en fonction de leur mode d’action :
- Les compétitifs : ils prennent la place du substrat (analogue structural) sur le site actif et bloque la création du complexe $\mathrm{E-S}$ par formation d’un complexe $\mathrm{E-inhibiteur ~(I)}$. Ceci modifie la valeur de $\mathrm{K_m}$ mais ne modifie pas la valeur de $\mathrm{v_{max}}$ (voir figure : droite verte). L’inhibition compétitive est très utilisée dans le domaine pharmaceutique pour bloquer le développement de parasites ou d’agents pathogènes ou dans la lutte contre les cancers (antimétabolites).
- Les non-compétitifs : ils empêchent le fonctionnement du site actif mais ils ne se fixent pas dessus ! Un troisième état apparaît alors, avec $\mathrm{E-S}$ et $\mathrm{E-I}$, il s’agit d’$\mathrm{EIS}$, qui est inactif malgré la fixation d’un substrat. La valeur de $\mathrm{K_m}$ n’est pas modifiée (puisque pas d’interaction entre le substrat et l’inhibiteur) mais la valeur de $\mathrm{v_{max}}$ diminue (voir figure : droite rouge).
L’allostérie
Certaines enzymes participant à des voies de biosynthèse peuvent être inhibées par le produit final de la voie. Ce produit se fixe alors sur l’enzyme, mais sur un site distinct du site actif : un autre site (= allostérique).
Ces enzymes ne répondent pas à la loi de Menten-Michaelis : la représentation graphique est alors une sigmoïde, ce qui met en évidence un phénomène coopératif lors de la fixation du substrat = le premier substrat fixé favorise la fixation des suivants. Evidemment, il s’agit exclusivement de complexes oligomériques (plusieurs protéines) : il y a donc plusieurs sites actifs. Il peut arriver que chaque protomère conserve une activité enzymatique, une fois séparé du groupe, et que sa cinétique suive la loi de Menten-Michaelis. Le modèle le plus connu d’allostérie est l’hémoglobine.