Il faut noter que l'histoire de la sociologie, en tant que discipline « à projet scientifique » - i.e. : et même « scientifique », commence à la fin du XIXe siècle, bien qu’on retrouve des réflexions et des « raisonnements sociologiques » dès l'Antiquité. La sociologie s’est, ainsi, développée principalement en Europe (de l’Ouest), et ce, alors que la Révolution technique et industrielle fait apparaître les toutes premières études et enquêtes sur les conditions de vie des ouvriers. Mais ce n'est, véritablement, qu'à partir des années 1890, que la discipline - la sociologie - s'institutionnalise avec les premières revues et chaires universitaires.

Jusqu'en 1914, la sociologie européenne produit la majeure partie du corpus de la discipline. L'entre-deux-guerres est plus favorable à la sociologie américaine. Après 1945, la sociologie, institutionnalisée et internationalisée, se développe considérablement en de multiples courants théoriques, pour donner la mosaïque actuelle ; mais les figures d’E. Durkheim, en France, et de Max Weber, en Allemagne, dominent et ouvrent de belles perspectives de réflexions pour l’évolution de la discipline, la plus récente dans les Sciences Humaines et sociales. Nous insisterons, dans les questions qui suivent, sur les apports de Durkheim, à la sociologie, en rappelant que la réception de sa pensée aura été assez « mitigée ».

Globalement, son œuvre sociologique (et anthropologique, comme le dira son neveu Marcel Mauss) est largement connue et même célébrée, même si elle reste également critiquée, notamment par la pensée dite « individualiste méthodologique ». Dans la sociologie et l'anthropologie, Émile Durkheim aura influencé plusieurs membres de son équipe de recherche, en incluant bien sûr Marcel Mauss, mais aussi Paul Fauconnet, Célestin Bouglé ou encore Lucien Lévi-Bruhl. Mais d’autres analystes, comme Maurice Halbwachs, Talcott Parsons et Claude Levi-Strauss, et même Pierre Bourdieu, seront profondément influencés par l'œuvre de Durkheim.