Michel Callon et Bruno Latour ont étudié les conditions de développement de la science et, surtout, comment les faits scientifiques sont élaborés en laboratoire. Leur analyse est radicale. Ils s’opposent aux analyses externalistes ou rationalistes, à la naturalisation (le réalisme), à la sociologisation (le fait scientifique compris notamment comme la résultante des jeux de pouvoir et de facteurs sociaux). Pour eux, le postmodernisme et la déconstruction (le relativisme naissant de l'illusion du locuteur et des jeux de langage) ne sont pas davantage des voies à suivre.

En prenant leurs distances avec ces théories, ils entendent combattre les cloisonnements et redéfinir le fait scientifique et humain à partir de la multiplicité des relations qui le constituent (relativisme dit « relationniste »). Cette approche les amène à rejeter les approches qui séparent l'« humain » du « non-humain » et, par suite, celles qui distinguent politique et sciences (ou technologies), ou plus largement nature et société.

Pour Callon et Latour, le monde ne doit pas être présenté tel une cohabitation passive de groupes sociaux, mais tel un réseau. Ainsi, le propre du social serait-il l'« association », la formation de « collectifs » et l'ensemble des relations et les médiations qui les font tenir ensemble. Cette approche se veut « symétrique » et tout est dès lors d'égale importance pour l'analyse, qu'il s'agisse des facteurs organisationnels, cognitifs, discursifs ou, plus généralement, des entités « non-humaines » qui entrent dans la composition des collectifs.

Ces relations se construisent à travers une opération de « traduction » ou des chaînes de traductions (transformations successives) par lesquelles les acteurs (individuels ou collectifs) s'érigent en porte-parole et expriment la volonté de collectifs, tentant également d'enrôler de nouveaux acteurs. De même, un fait scientifique est issu d'une série de traductions (instruments nécessaires à sa réalisation, articles scientifiques, matériaux de laboratoire, subventions, etc.) qui font également apparaître le réseau dans lequel il prend du sens et se stabilise. Les connaissances circulent par « traductions » successives, ce qui n'introduit aucune discontinuité dans l'espace social, mais bien une adaptation progressive des connaissances dont la certitude peut toujours être remise en cause par des controverses. Ainsi, le social est compris tel un effet produit par les interactions successives d'actants hétérogènes, c'est-à-dire de l'acteur-réseau. Tout acteur est un réseau et tout réseau est un acteur. L'action d'une partie du réseau modifie ce dernier. Toute action concernant l'ensemble du réseau a des conséquences sur les composantes du réseau.