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Aurélien – Louis Aragon

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Qu'est-ce que le mentir-vrai aragonien ?

En 1964, une nouvelle porte ce titre « Le mentir-vrai », elle deviendra en 1980 un recueil, un traité d’art romanesque ainsi qu’une analyse de la configuration familiale.

L’idée de « mensonge » est pour Aragon la base de toute structure familiale, fondée sur des histoires, autant de sortes de romans truqués par le désir. Aragon, enfant illégitime, en a fait l’expérience particulière : toute son enfance, on a fait passer sa mère pour sa sœur.

Le genre romanesque synthétise parfaitement cette contradiction. Mise en récit dans la fiction, le roman, même s’il est de genre réaliste, accomplit la forme la plus haute du mensonge, c’est le fantôme de la vérité. Aragon a toujours préféré le roman à l’autobiographie.  Ecriture biaisée ou indirecte, elle n’en dit pas moins la vérité, mais une vérité qui se dérobe, comme celle du désir amoureux, en quête de ses chimères.

Dadaïsme et surréalisme

Le dadaïsme est un mouvement artistique anarchisant, né à Berlin en 1915 dans le tract Le Manifeste littéraire, écrit par Hugo Ball et Richard Huelsenbeck.  « Râleurs littéraires, nous voulons supprimer le goût pour toute forme de beauté, de culture, de poésie…» Repris à Zürich en 1917 autour de Tristan Tzara et du pacifisme, au Cabaret Voltaire, il rejette toute raison, respect des convenances, et idéologies.

Le surréalisme en est l’héritage dont l’histoire suit les passions autour d’André Breton qui le définit ainsi en 1924, dans  le Manifeste du
surréalisme
:  « Automatisme psychique pur, par lequel [ on exprime] le fonctionnement réel de la pensée. »

Dans Aurélien, les extravagances des dadaïstes sont évoquées, au cours du vernissage de nuit avec Zamora, qui préfigurent les recherches
surréalistes des années 20 et dont fit partie Aragon.

Les métaphores obsédantes d’Aurélien

Appartenant au « cycle du monde réel », le roman n’en décrit pas moins le psychisme du héros en une nouvelle « confession d’un enfant du siècle » (Musset). La grande Histoire se mêle à l’histoire personnelle d’une débâcle.

Les images récurrentes suggèrent les troubles de l’identité, l’errance et l’obsession de la mort du soldat échappé des tranchées.

  • Le masque : moulage en plâtre d’une femme qui s’est noyée dans la Seine, le masque est une métaphore obsédante du mystère de la femme aimée — Bérénice aux yeux fermés.
  • L’obsession de la mort, la noyade, la tentation du suicide parcourent le roman. La Seine charrie des noyés, Paul Denis se jette sous une voiture, Blanchette Barbentane avale des comprimés.
  • Le reflet et le théâtre : Le cabaret le Lulli’s à Montmartre, les cafés aux abords des passages parisiens, les spectacles du boulevard suggèrent que la réalité n’est qu’un reflet trompeur.

Le cycle du monde réel

Après une période surréaliste (Le Paysan de Paris), Aragon juge ce mouvement idéaliste, prétexte à une écriture presque « sollipsiste ». Il cherche à expliquer les destinées individuelles et les mécanismes de classe de la pensée en dépeignant « le monde réel », et non plus le surréel. Il adopte le roman en tournant le dos à l’anathème jeté sur ce genre précédemment. De 1934 à 1951, il rédige tour à tour Les Cloches de Bâles (1934), Les Beaux quartiers (1936), Les voyageurs de l’impériale ( 1942), Aurélien (1944), Les communistes en 6 volumes de 1949 à 1967.

Cette vaste fresque dans la veine des écrivains réalistes du XIXe évoque la France du XIXe et de la première moitié du XXe, en insistant sur l’approche et les effets de la première guerre. Aurélien est le plus poétique de tous par son thème et son écriture.

Citations Aurélien

1° p. 27 Incipit

« La première fois qu’Aurélien vit Bérénice, il la trouva
franchement laide. [ …] Cela lui fit mal augurer de celle-ci qui portait
un nom de princesse d’Orient sans avoir l’air de se considérer dans
l’obligation d’avoir du goût. »

2° p. 238 chap XXVII

« Quel besoin de robe ont donc les noyées ? N’est-on
pas nu dès qu’on est enveloppé par le fleuve, n’est-on pas dans la mort comme
dans l’amour ? »

3° p. 394, chap XLVI Aphorisme de Blaise Ambérieux

« Les femmes avec lesquelles on couche, ce n’est pas grave.
Le chiendent, ce sont celles avec lesquelles on ne couche pas…»

4° Epilogue, p. 654-656

« Il aimait Georgette. Mais Bérénice était son secret. La
poésie de sa vie. Cette chose non accomplie…[…] Mais il faut à l’homme un
certain taux de chimères. Il lui faut un rêve pour supporter la réalité. Ce
rêve, c’était Bérénice. Bérénice identifiée à toutes les idées nobles, à tout
ce que le monde peut contenir de fier et de hautain.»

5° Epilogue, p. 677 Chap VI

« […] rien n’était plus reconnaissable. Ni Bérénice ni
la France. Etait-ce la France de sa jeunesse, celle de l’autre guerre que cette
débâcle, cette fuite éperdue par les routes, ces jeunes hommes en vélo, ces
filles en short, non, non, non… La République, pas la France… La France aussi qu’il
aimait, c’était une morte, pas cette France qu’on pouvait voir »

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