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Les Lettres persanes – Montesquieu

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Montesquieu et son temps

Chronologiquement, Montesquieu est le premier des philosophes des Lumières, qui vont tout au long du XVIIIe siècle, soumettre à l’examen critique de la Raison tous les domaines de la connaissance. Ces philosophes, issus de tous les pays européens, veulent rendre à l'homme sa liberté par l'examen critique de tout ce qui l'entrave, aussi bien les traditions que les institutions politiques, religieuses, morales et les habitudes esthétiques du passé.
Montesquieu,(1689-1755) tout en menant la vie d’un grand aristocrate provincial (il accomplit ses tâches de propriétaire terrien, assume la charge de président du parlement de Bordeaux),incarne cet esprit nouveau : voyageant dans toute l'Europe, il complète sa culture livresque ; dans les salons parisiens, il rencontre tous les grands esprits de son temps.

Les lettres persanes (1721)

  • La première œuvre importante de Montesquieu : publié anonymement à Amsterdam, ce roman connut un vif succès, et ouvrit à Montesquieu les portes de salons parisiens.
  • Un roman oriental : Montesquieu raconte le voyage de deux persans, Usbek et Ricca : l'occident, est vu dès lors à travers le prisme de leur double regard, mais leurs récits nous révèlent aussi la culture orientale.
  • Un roman épistolaire : Montesquieu fonde le genre du roman par lettres. Le lecteur y suit un réel échange de correspondances entre les voyageurs persans eux-mêmes, et entre ces voyageurs et leurs relations restées en Perse. 
  • Un roman satirique et philosophique : Ce dispositif permet une confrontation permanente des points de vue, des idées, mais aussi une critique et une satire des sociétés occidentales et orientales.

Résumé des Lettres persanes

Le voyage des deux persans se déroule de 1711 à 1720, pendant les dernières années du règne de Louis XIV (1661-1715) et le début de la régence (1715-1723).

  • Les lettres I à XXIII racontent le voyage d’Ispahan à Paris, via l'empire ottoman. On y découvre les deux personnages principaux, Usbek, un grand seigneur "éclairé", et Ricca, un jeune homme curieux, au regard souvent satirique. 
  • Les lettres XXIV à CXLVII comprennent les échanges entre les deux persans, installés à Paris, et différents correspondants et proposent un tableau des mœurs, des institutions et des coutumes européennes.
  • Les lettres CXLVII à CLXI racontent la révolte du sérail d'Ispahan : le désordre s'est installé dans le sérail, et Usbek tente, à distance et en vain, de rétablir par la force son autorité sur ses épouses.

Les personnages principaux

  • En Europe : Usbek, Ricca à Paris et Rhedi à Venise. Usbek et Ricca sont les personnages principaux, par les yeux desquels le lecteur observe la réalité européenne. Le premier est pétri de contradictions : animé par un idéal fondé sur la raison et la vertu, il se comporte en tyran dans ses relations avec le sérail. Ricca est lui un jeune homme curieux et joyeux ; il décrit les mœurs européennes avec une ironie mordante. Rhedi, le neveu d'Ibben, est plein de curiosité, en particulier pour les institutions.
  • En Perse: Mirza, Ibben: les deux correspondants principaux d'Usbek et Ricca sont deux persans modernistes.
    Les eunuques : gardiens du sérail, et instruments du pouvoir totalitaire d'Usbek.
    Les femmes : un groupe duquel se détachent quelques individualités : Zachi, et surtout Roxane qui se révolte contre le pouvoir d'Usbek.

L’invention du roman épistolaire

Montesquieu enrichit la forme du roman épistolaire : la multiplication des correspondants crée une véritable polyphonie qui lui permet de confronter les points de vue, et de mettre en évidence « l’universelle facticité » des coutumes, des croyances et des idées. Le regard ironique des persans, dénués des préjugés des européens sur eux-mêmes interrogent chaque réalité et met à jour toutes les servitudes morales, intellectuelles, religieuses, politique des européens.
Cependant, parce qu'il reçoit des nouvelles régulières des événements du sérail, Usbek est aussi confronté à ses propres contradictions : il peut critiquer le despotisme un peu vain du vieux Louis XIV (lettre XXXVII), mais, lorsqu'il est lui-même confronté à la révolte du sérail, il réagit en tyran dont le pouvoir est tout aussi vain.

La critique du despotisme

Montesquieu engage dans les Lettres persanes la réflexion politique qu'il poursuivra dans l'Esprit des lois(1748).

  • Le despotisme asiatique : représenté par le régime turc (lettre XIX), le pouvoir y est affaibli par les constantes violences dont il use pour se maintenir ; l'économie végète, parce que le peuple vit dans la peur, et le progrès y est absent. Le pouvoir y est en toujours menacé par une révolte aveugle et souvent stérile (Lettre LXXX)
  • La monarchie française : Louis XIV incarne les dérives possibles de la monarchie absolue. Le premier est un monarque vieillissant qui cache la ruine du royaume par le pouvoir qu'il a « sur les esprits » (Lettre XXIV). Selon Montesquieu, la monarchie peut toujours dégénérer en despotisme. Le régent, qui s'appuie sur le pouvoir du parlement, semble une figure plus positive de la monarchie.

Réflexion sur la servitude et la soumission

Comme chez La Boétie, la tyrannie n'est possible que parce qu'elle dispose de relais de son pouvoir : au sérail, les eunuques, maîtres des femmes qu'ils gardent, mais esclaves de leur maître et simples exécutants de ses décisions, sont des figures d'une servitude aveugle et sans autre éthique que celle de l'obéissance. De la même manière, le roi de France est servi par des courtisans qui lui mentent sur la réalité du sort du peuple (Lettre CVL) et le conduisent à se comporter en tyran.
Cependant, la servitude imposée entraîne moins la soumission que la révolte : elle ne fait pas disparaître la liberté naturelle de Roxane (Lettre CLXI). De fait, comme l'illustre la fin de la fable des troglodytes, accepter de servir un roi, c'est n'avoir pas le courage de la vertu.

La liberté, l'ordre et le désordre

La liberté dans les Lettres persanes consiste d'abord à offrir un regard critique sur le monde, qui permet de s'affranchir des préjugés, de ridiculiser tous les fanatismes et les superstitions. Vu par les yeux libres des persans, nos usages et nos croyances deviennent relatifs. Toutes les autorités peuvent dès lors être contestées.
Cette liberté de l'intelligence s'avère bien plus efficace que la révolte d'une Roxane, qui paye de sa mort sa liberté.
C'est que Montesquieu a conscience des dangers d'une liberté purement négatrice comme celle de Roxane, qui, si elle montre l'impuissance du despote, laisse derrière elle le désordre. Montesquieu insiste sur la nécessité des lois, en particulier celle de l'autorité des pères, gages de stabilité politique et de justice (Lettre CXXIX).

Hommes et femmes

Le thème de la servitude et de la soumission est abordé par Montesquieu à travers la description des rapports entre les hommes et les femmes. Dans la lettre XXVI, Usbek explique à Roxane le bonheur de la servitude du harem, qui protège sa vertu et son innocence. La suite de la fiction romanesque du sérail montre pourtant qu'il se trompe : cette servitude est un déni d'humanité, en ce qu'elle ne reconnait pas la liberté du désir, et ouvre la porte à tous les désordres et tous les débordements que les eunuques, figure du despote impuissant que devient Usbek à la fin du roman ne peuvent calmer.
Le pouvoir despotique des hommes sur les femmes contient donc sa propre destruction, en ce qu'il nie l'exigence de liberté, et rend impossible toute vertu, en favorisant la libération du désir, source de désordre.

Régime politique et liberté

Dans les Lettres Persanes, Montesquieu esquisse la réflexion sur le meilleur régime politique qu'il précisera dans L'Esprit des Lois :

  • L'apologue des troglodytes montre à la fois la nécessité d'un pouvoir, mais aussi les limites de la démocratie, qui suppose qu'on soit capable de conjuguer vertu et liberté.
  • La lettre LXXX examine la question en affirmant la nécessité de la soumission du peuple au gouvernement et la supériorité d'un "gouvernement doux" sur le "gouvernement sévère", le premier étant plus conforme à la raison et finalement plus stable car plus mesuré.
  • Dans la lettre CIV, Montesquieu décrit la monarchie anglaise, dans laquelle le peuple conserve toujours la possibilité d'un roi qui prétendrait que son pouvoir n'a aucune limite, parce qu'un tel pouvoir ne saurait être accordé à personne.

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