En évoquant l’assaut final de la Tourgue, l’écrivain parle d’une « brève épopée », formule oxymorique, si l’on comprend l’épopée comme un long récit de hauts faits guerriers destinés à l’édification d’un peuple. 93, nouvelle Iliade ? Trois critères à interroger : l’amplification, l’exaltation mythologique, le manichéisme caricatural.
Le narrateur se fait le témoin du grandissement de l’action dans lequel la prise de la Bastille parisienne est ici transposée en assaut du symbole de l’Ancien régime en Bretagne. La guerre civile fait se combattre de proches parents. Gauvain et Cimourdain sont devenus « Eteocle et Polynice ». Marat, Danton et Robespierre sont « Minos, Éaque et Rhadamante » ; les juges des Enfers métaphorisent le Tribunal révolutionnaire. Michelle Fléchard est à la fois la Vierge Marie et une « Gorgone » devenue folle lorsqu’elle est en quête de ses enfants.
En revanche, le principe de manichéisme est plus nuancé. Si les forces du Bien et du Mal semblent être bien tranchées, il s’agit moins des deux clans qui opposent Vendéens et Sans Culottes, que de la Compassion vis-à-vis des humbles faisant contraste avec l’intransigeance de l’absolutisme— qu’il soit ou non révolutionnaire.