La société civile peut désigner :

  • L’ensemble constitué par la société et l’État, la totalité économique et politique soumise à des lois (notamment aux XVIIe-XVIIIe siècles, comme chez Locke ou Ferguson) ;
  • ou bien seulement la sphère économique du marché, par distinction avec l’État ; il s’agit alors d’une sphère privée, mais distincte de la famille et des grandes sources d’autorités (armée, religion…).

Dans quelle mesure la société civile peut-elle s’autoréguler collectivement sans l’État ? Quel est son degré d’autonomie ? Question des rapports entre la sphère économique et la sphère politique.

La théorie hégelienne de la société civile

Hegel (Principes de la philosophie du droit, III, 2) a fait de la société civile un objet de réflexion à part entière, en la distinguant de l’État et de la famille.

  • Contrairement à l’État, la société civile est une sphère privée ;
  • Contrairement à la famille, c’est une sphère où l’individu, émancipé par l’éducation, est indépendant et se prend lui-même pour fin.

Domaine du travail et des échanges, la société civile a comme premier principe :

« la personne particulière en tant qu’elle est essentiellement en relation avec une autre particularité semblable, de sorte que chacune se fait valoir et se satisfait grâce à l’autre et, en même temps, tout simplement en tant que médiatisée par la forme de l’universalité » (§182).

L’individu, en satisfaisant ses besoins et donc en travaillant, satisfait ceux des autres,

« de sorte que le droit égal et universel du travail et du commerce est la condition de la satisfaction de chaque particulier, au sein d’« un système des besoins », où « l’égoïsme subjectif se convertit en contribution des besoins de tous les autres, en médiation du particulier par l’universel » (§196).

La société civile produit un raffinement et une multiplication à l’infini des besoins sociaux, car chacun souhaite imiter les autres et en même temps s’en distinguer (règne de la représentation sociale, § 193).

Mais ce développement est inégal :

  • à cause de l’inégalité du talent et du capital initial (§ 200) ;
  • à cause de la spécification des tâches et l’usage de la machine qui réduit une partie de la population à la « pauvreté » (état où l’on possède les besoins de la société civile (ex. désir de consommation) sans avoir les moyens de les satisfaire, §241).

La société civile ne peut subsister seule, car son unité est instable et en proie à des contradictions internes ; elle a besoin de l’intervention de l’État, où se réalise la véritable universalité (§256).

Dans la vision hégélienne, l’État limite de l’extérieur la société civile, alors qu’il est souvent l’émanation de la partie dominante de cette société : d’où la critique de Marx (Préface de la Contribution à la critique de l’économie politique ; et Critique des Principes de la Philosophie du Droit), l’État est une « superstructure » qui retire le pouvoir à la société civile plutôt qu’il ne l’organise ; c’est pourquoi Marx privilégie une auto-régulation immanente à la société civile, par l’activité de travail, activité sociale de coopération.