Dès la Phénoménologie de la perception, Merleau-Ponty écrit :
Un roman, un poème, un tableau, un morceau de musique sont des individus, c’est-à-dire des êtres où l’on ne peut distinguer l’expression de l’exprimé, dont le sens n’est accessible que par un contact direct.
Une œuvre d’art est douée d’une unité organique et sa signification est inséparable de sa matière, de la manière dont elle travaille les apparences et rend compte de notre sensibilité.
Merleau-Ponty prolonge ces réflexions dans Le doute de Cézanne (1948) :
L’art n'est ni une imitation, ni d’ailleurs une fabrication suivant les vœux de l’instinct ou du bon goût. C’est une opération d’expression.
Par quoi Merleau-Ponty entend que l’art, au lieu de suivre notre perception ordinaire des choses, fondée sur l’habitude et sur une vision intellectualiste, qui tient le monde à distance et le considère comme fait d’objets qui existent en eux-mêmes et distincts, nous replonge dans « la vibration des apparences qui est le berceau des choses ». Il nous introduit au stade primordial de la perception où :
- les différents sens sont mêlés (synesthésie) ;
- les contours des objets ne sont pas distincts, mais flous et assurés par des transitions insensibles ;
- les apparences prennent sens par rapport à un corps qui les regarde et s’oriente dans l’espace.
Dans L’Œil et l'esprit, Merleau-Ponty montera comment l’art est capable de lever les dualismes :
- celui du sujet de la vision et de l’objet de la vision, en insistant sur l’unité du vu et du voyant ;
- celui du toucher et de la vision, en insistant sur les qualités tactiles des apparences visuelles ;
- celui du corps et de l’esprit : le sens est toujours incarné en peinture.
Merleau-Ponty repense ainsi la notion d’image au-delà de la problématique de la ressemblance : « l’imaginaire est beaucoup plus près et beaucoup plus loin de l’actuel » :
- beaucoup plus près car il met en valeur la vie de notre corps : nous voyons, selon le tableau, fonctionner les apparences sensibles ;
- beaucoup plus loin : il n’est pas une reproduction, pour l’esprit, des choses.