Selon Rousseau, le gouvernement désigne :

« un corps intermédiaire établi entre les sujets et le Souverain pour leur mutuelle correspondance, chargé de l’exécution et du maintien de la liberté tant civile que politique » (Contrat social, livre III).

Cette affirmation implique la distinction essentielle entre le Souverain (le peuple), qui est à l’origine des lois et de l’autorité, et le gouvernement, qui doit exécuter les lois, mais n’est pas le fondement de sa propre légitimité.

Indépendamment du contexte rousseauiste, tout gouvernement est confronté à une certaine dialectique entre la faiblesse et la force : il est, par nature :

  • provisoire (il peut être remis en question à tout moment) et dépendant de ceux dont il tire sa légitimité ;
  • une instance de pouvoir : il existe une relation de subordination entre le gouvernement et les gouvernés ;
  • dévolu à l’action politique, ce qui implique une certaine temporalité de l’action gouvernementale (il s’agit de prévoir, d’anticiper ou de réagir à des évènements inattendus).

Comme l’a montré Machiavel, tout pouvoir est confronté à sa fondamentale impuissance et contingence. Tout État est voué à connaître des révolutions et des changements, comme un corps des maladies (Discours sur la première décade de Tite-Live, III, 1) et la réussite du gouvernement dépend en partie de la fortune, qui désigne la relation entre une attitude politique et des circonstances extérieures imprévisibles (Le Prince, 25). Le bon gouvernement doit :

  • savoir être prudent, c’est-à-dire accorder son attitude aux circonstances (Le Prince, 25) et chercher à anticiper les coups de la fortune ;
  • cette prudence implique une distinction entre l’être et le paraître : puisque « ce qui est bien ne l’est pas toujours » (ch. 25), et que la politique est affaire d’opinion et de représentation, le prince doit être « assez maître de lui pour pouvoir et savoir au besoin montrer les qualités opposées » (ch. 18). Il faut savoir changer les apparences, indépendamment de ce que l’on est ;
  • enfin, puisque le gouvernement tire sa force de ses sujets, il doit à la fois gagner l’amitié des gouvernés (ch. 9) et faire respecter sa force par la crainte sans susciter la haine (ch. 17).

Cette approche, qui distingue morale et politique, souligne à la fois l’inefficacité du pouvoir violent et la nécessité d’une action politique parfois secrète, qui organise la transparence. Elle laisse entière la question de la légitimité des actions gouvernementales et des moyens de son contrôle.