L’objet technique désigne un objet produit artificiellement par un être humain et dans lequel une somme de savoirs et de savoir-faire sont réifiés.
Il faut d’abord distinguer l’objet technique de l’objet naturel. Dans « Machine et outil », Georges Canguilhem insiste sur le fait que, contrairement à un objet naturel, régi par l’auto-construction, l’auto-conservation et l’auto-régulation, dans le cas de la machine :
- la construction est étrangère ;
- la conservation exige la surveillance et la vigilance d’un être extérieur.
Ainsi,
« la machine est une construction artificielle, œuvre de l’homme, dont une fonction essentielle dépend de mécanismes. Un mécanisme, c’est une configuration de solides en mouvement tel que le mouvement n’abolit pas la configuration.
C’est donc un assemblage de parties déformables avec une restauration périodique des rapports entre ces parties. La machine est initialement tributaire d’un vivant qui la crée et l’actionne :
Si le fonctionnement d’une machine s’explique par des relations de pure causalité, la construction d’une machine ne se comprend ni sans la finalité, ni sans l’homme.
La machine est caractérisée par une « rigidité fonctionnelle nette » : elle n’obéit qu’à une fin programmée, sans marge ; le tout y est « rigoureusement la somme des parties ». La finalité univoque et univalente de la machine est renforcée par un processus de normalisation, qui consiste à simplifier le modèle des objets et des pièces, à unifier les caractéristiques quantitatives et qualitatives de manière à assurer l’interchangeabilité des pièces.
Ces réflexions conduisent à s’interroger :
- ou bien sur le fonctionnement de l’objet technique en lui-même : Gilbert Simondon a ainsi insisté sur la « technicité de l’objet », qui dépend :
- d’un ensemble technique, qui le prédétermine (on ne peut faire tel objet technique qu’avec un ensemble d’outils et de connaissances adaptés) ;
- de la « concrétisation » d’un objet : la manière dont la matière et la forme s’ajustent pour s’adapter à une finalité concrète.
- ou bien sur le sens de la technique en elle-même. C’est ce que fait Heidegger dans La question de la technique : la technique dévoile ce qui ne se produit pas soi-même, à savoir la nature :
C’est comme dévoilement, non comme fabrication, que la technique est une production.
Le bateau à voile ne renvoie pas qu’aux pièces qui le composent, mais à la mer, au port qui l’accueille, etc. Dans la technique moderne, le dévoilement est réduit à ce qui, dans la nature, peut être exploité :
La technique moderne est une provocation par laquelle la nature est mise en demeure de livrer une énergie qui puisse comme telle être extraite et accumulée.
La nature n’est plus l’objet de soin (cas du paysan), mais sommée de libérer l’énergie accumulée : considérée comme un réservoir d’énergie qui doit être libérée. Cette attitude est rendue possible par la physique moderne. La nature apparaît comme un ensemble de forces et d’énergies, quitte à oublier ses autres dimensions.