Harvey, dans ses Considérations sur le Mouvement du Cœur et la Circulation du Sang chez les Animaux, cherche à démontrer que la médecine hippocratique se trompe quand elle présuppose que le sang est brûlé par le corps pour être transformé en énergie. Sa démonstration n'a rien de mathématique, mais s'appuie sur des prémisses logiques incontestables, tout en faisant appel à des données expérimentales : Harvey, par dissection, a pu mesurer le volume de sang que contient un cœur humain.
Autrement dit, sa démonstration n'est pas seulement théorique, mais doit faire appel à des données empiriques. Il ne s'agit donc pas d'une démonstration pure, au sens où les logiciens l'entendent, c'est-à-dire une déduction dont le but est de prouver la vérité d'une conclusion en s'appuyant sur des prémisses reconnues ou admises comme vraies.
Chez Harvey, il s'agit moins de prémisses théoriques que de faits observés. On peut donc soupçonner que la seule démonstration ne suffirait pas à établir une vérité, qu'elle serait à elle seule inopérante. Il faudrait ainsi, en dehors des mathématiques et de la logique, davantage que la démonstration pour accéder à la vérité. Mais que faudrait-il vraiment ?
Philosophie de la logique et des mathématiques
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Intuition et fondement de la démonstration
Dans un contexte scientifique, s'il n'y avait pas des vérités premières, intuitives, sur lesquelles appuyer l'ensemble de nos connaissances, notre savoir serait semblable à une maison sans fondation. Ainsi, Descartes dans le Discours de la Méthode, dans une posture intuitionniste, peut-il soutenir que « pour ce qu'alors [il désirait] vaquer à la recherche de la vérité seulement, (…) il fallait qu'[il rejetât] comme absolument faux tout ce en quoi [il pourrait] imaginer le moindre doute ». L'enjeu pour Descartes est bien de parvenir à l'établissement d'une vérité indubitable sur laquelle construire l'ensemble des sciences. Cette vérité ne peut être qu'une intuition : s'il s'agissait d'une démonstration, elle impliquerait des prémisses antérieures qui elles-mêmes pourraient être contestées.
Le propre d'une intuition, c'est qu'elle ne s'étaye que sur elle-même, et qu'elle ne recourt à rien d'autre qu'à elle-même : voilà, selon Descartes, ce qui fait sa force. Autrement dit, l'intuition est logiquement première, alors que la démonstration est seconde : il peut exister une intuition sans démonstration, alors qu'il ne peut pas exister de démonstration sans intuition.