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Y a-t-il une science de l'homme ?

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Sciences humaines et relativisme culturel

S'il est impossible de chercher à s'extraire totalement de sa propre culture, il est souhaitable de chercher à le faire. Pourquoi ? D'abord, parce que chercher à s'extraire de sa culture, c'est nécessairement se démarquer des normes qu'elle nous impose. C'est donc gagner en objectivité.

Ensuite, parce que chercher à s'extraire de sa culture, c'est pratiquer un comparatisme culturel de bon aloi, qui permet de relativiser nos conceptions morales, non pour les affaiblir, mais pour réfléchir à la valeur de leurs justifications. C'est donc un gain de rationalité.

Enfin, si l'on ne cherchait pas à s'extraire de sa culture, l'on serait vraisemblablement conduit à ne jamais faire l'hypothèse de l'existence de valeurs universelles. Or, faire cette hypothèse est un enjeu éthique et politique crucial pour l'humanité.

Sciences humaines, objectivité et publicité

La rationalité ne saurait se réduire à un point de vue unique : celui qui prétend bâtir en solitaire un édifice scientifique est peu crédible. Quelles sont les normes de scientificité communes aux sciences de l'homme et de la nature ? En premier lieu, le refus de la subjectivité. Subjectif s'oppose à objectif : est subjectif ce qui relève d'un point de vue particulier ; est objectif ce qui décrit la réalité en soi.

Pour être scientifique, une théorie doit donc chercher l'objectivité. Mais comment l'objectivité serait-elle assurée si la théorie qui y prétend n'était pas publique ? Est public tout savoir assimilable sans initiation et par les seules ressources de la raison. Une théorie, en sciences humaines comme de la nature, doit donc, en second lieu, être publique pour espérer être scientifique.

Sciences humaines et cohérence épistémologique

Une théorie ne peut être reconnue comme scientifique que si elle obéit au principe de cohérence. L'idée de cohérence implique soit la démonstration systématique d'un lien entre les différentes propositions d'un système, soit la démonstration minimale de leur compatibilité. Mais une théorie peut être cohérente, tout en étant délirante, ou même fictive. La Comédie humaine de Balzac est une œuvre dont la cohérence est étonnante, mais qui n'a rien de scientifique. La cohérence est donc une condition nécessaire, mais non suffisante de la scientificité d'une théorie. Entre une œuvre littéraire de fiction et une théorie scientifique, quelle est donc la différence ? Elle tient à une seconde norme de la rationalité : la recherche d'une correspondance avec le réel. Quel est donc ce réel que visent les sciences humaines ?

À quoi bon écrire l'histoire de l'homme ?

Certes, l'histoire n'est pas une science du nécessaire, mais n'en reste pas moins une science du contingent. Bien que lacunaire, l'histoire est un récit d'événements véridiques. Elle fonctionne comme une intrigue (Paul Veyne, Comment on écrit l'histoire) et prend en compte des raisons spécifiquement humaines. L'histoire dépasse son statut épistémologique pour gagner une utilité sociale et un sens politique. Elle nous permet de mieux agir, elle sert la vie et l'action (Nietzsche, Considérations intempestives, II). Et, malgré la contingence du devenir humain, ne peut-on percevoir des lignes de force, qui pourraient laisser supposer que l'histoire a un sens, et que l'historien en éclaire la direction par son savoir (Kant, Idée d'une Histoire universelle d'un Point de Vue cosmopolitique) ?

Une connaissance scientifique du passé de l'homme est-elle possible ?

Irrémédiablement perdu, le passé ne subsiste que par des traces présentes. C'est donc à travers le présent seulement que le passé peut être connu. Qu'il s'agisse d'archives ou de témoignages, c'est au présent que l'historien les étudie, et à partir du présent qu'il tâchera de reconstituer – dans un discours hypothétique – ce que le passé a pu être. Science d'un objet connu de façon médiate, la connaissance historique relève donc d'un statut épistémologique particulier : elle décrit ce qui n'a plus d'être. Mais une connaissance même indirecte d'un objet contingent peut être rationnelle, si elle est méthodique. Dès lors, n'est-ce pas le modèle épistémologique des sciences historiques qui constituerait la norme de toute science humaine, bien plus qu'il n'en serait l'exception ?

Sciences humaines et vérité

Que la théorie scientifique, en sciences humaines, cherche la vérité, cela va de soi. Mais elle ne la partage pas nécessairement. Il faut donc distinguer deux cas possibles. Soit la liaison entre la vérité et la scientificité est absolue, voire l'une est identique à l'autre, et cela signifierait qu'une vérité ne peut être que scientifique et que toute théorie scientifique est nécessairement vraie, ce qui paraît peu probable. Soit le lien entre vérité et scientificité est relatif : une théorie peut être vraie sans être scientifique, tout comme une théorie peut être scientifique sans être vraie. Ce second cas semble intuitivement préférable, mais est-il tenable ? Jusqu'à quel point ? Ne nous fait-il pas tomber dans la menace d'un relativisme, où tout se vaudrait sans jamais rien valoir ?

Citations

  • « Il y a autant de niveaux d'objectivité qu'il y a de comportements méthodiques » (Ricœur, Histoire et Vérité, 1955).

  • « Une explication purement psychologique des faits sociaux ne peut manquer de laisser échapper tout ce qu'ils ont de spécifique, c'est-à-dire de social » (Durkheim, Les Règles de la Méthode sociologique, 1895).

  • « [L]'ouverture sur la réécriture marque la différence entre un jugement historique provisoire et un jugement judiciaire définitif » (Ricœur, La Mémoire, l'Histoire, l'Oubli, 2000).

  • « La découverte d'exemples qui confirment une théorie a très peu de signification, si nous n'avons pas essayé, sans succès, de découvrir des réfutations. » (Popper, Misère de l'Historicisme, 1945).

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