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Cahier de Douai (1895)

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Genèse des Cahiers de Douai (1895)

Alors qu’il n’est âgé que de seize ans, Rimbaud séjourne à Douai chez son professeur avec qui il s’est lié d’amitié, Georges Izambard. Il y recopie l’essentiel de ses premiers poèmes qu’il a rédigés quelques mois auparavant, un ensemble de quinze textes, puis sept autres qu’il livre lors d’un second séjour à Paul Demeny, un éditeur de la région à qui Rimbaud remettra, un an après, la célèbre « lettre du Voyant ». 

Le jeune prodige intime l’ordre que soient brûlés ses manuscrits en ces termes : « Brûlez tous les vers que je fus assez sot pour vous donner lors de mon séjour à Douai. » L’éditeur refuse et les poèmes sont dans un premier temps relégués, puis seront publiés à titre posthume en 1895, soit quatre ans après la mort de Rimbaud. 

Également appelée Recueil Demeny, l’œuvre comporte vingt-deux textes dont les premiers ont été rédigés alors que Rimbaud n’a que quinze ans. On y reconnaît aisément l’empreinte d’un jeune homme pétri de culture littéraire avec des références à ses aînés, dont Hugo dans « les Effarés », mais aussi celle d’un jeune homme au regard acéré sur la société, épris de liberté et profondément révolté.

Une œuvre aux thèmes variés

Les textes du recueil sont sans aucun doute autobiographiques et se veulent la retranscription des états d’âme de Rimbaud et de sa perception du monde. Ils abordent de nombreux thèmes propres à l’adolescence : les premiers émois amoureux d’un jeune homme de quinze ans et la découverte de la sensualité sont présents dans « Première soirée », « La Maline » et « Roman » où le poète donne à voir ses premiers désirs. Dans « Ma Bohème » et « Sensation », vraisemblablement inspirés par ses nombreuses fugues, le jeune homme fait l’éloge de la liberté et de l’errance, celle-ci étant une source intarissable d’inspiration. Avec « Rages de Césars », « Le Châtiment de Tartufe », « Le Forgeron » et de nombreux autres textes, Rimbaud s’en prend aux institutions, aux événements politiques. Il y dresse une critique sévère de Napoléon III, mais aussi de la guerre avec l’un de ses poèmes le plus connu intitulé « Le Mal ». Ailleurs, il s’en prend ouvertement à la bourgeoisie, engoncée dans son conformisme et sa mesquinerie, avec « À la musique », un texte provocateur au registre satirique. 

À la croisée des mouvements littéraires

Les Cahiers de Douai est une œuvre foisonnante aux registres variés, aux influences diverses, celle d’un feu-follet épris de liberté. Difficile dans ce cas de l’enfermer dans un mouvement littéraire précis, d’autant plus que le XIXe siècle est à la croisée de conceptions et de visions du monde bien différentes.

Du réalisme et de son entreprise à refuser l’idéalisation du réel, Rimbaud emprunte quelques éléments relevant d’effets de réel dans « Rages de Césars » où apparaît Napoléon III déchu, « Homme pâle […] en habit noir », mais aussi dans « Roman » avec « les cafés tapageurs » et « Les tilleuls [qui] sentent bon dans les bons soirs de juin ! »

Du romantisme et de sa propension à voir en la jeunesse un îlot de provocation aux valeurs communes, Rimbaud emprunte le lyrisme dans « Sensation » avec les thèmes de la liberté et de la solitude et les multiples évocations sensorielles. Il partage aussi ce goût immodéré pour la critique des institutions, mais aussi pour celle d’une bourgeoisie triomphante, avec, en maître de cérémonie, « Messire Belzébuth » et sa danse lugubre dans « Bal des Pendus ».

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